L'Allemagne enterre la hache de guerre avec la BCE
La montagne a accouché d'une souris. Et nous ne pouvons que nous en réjouir. Dans un courrier adressé au président de la chambre des députés Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand Olaf Scholz explique que, selon le gouvernement allemand, la banque centrale européenne répond aux exigences posées par la Cour constitutionnelle allemande dans le cadre d'un jugement sur le programme d'achat d'actifs. Le 5 mai, les juges de Karlsruhe avait donné à la BCE un délai de trois mois pour démontrer qu'elle avait bien fait son travail avant l'entrée en vigueur de son Public Sector Purchase Programme en 2015. Étaient surtout mis en cause l'éventuelle disproportionnalité du programme (dans ses montants) et son caractère "provisoire". Cinq ans après son lancement, le PSPP affiche une enveloppe de plus de 2.200 euros. Ce jugement était d'autant plus surprenant que la Cour de justice européenne avait déjà auparavant estimé que la BCE n'avait pas outrepassé son mandat. Nous ne reviendrons pas aujourd'hui sur la boîte de Pandore que la cour allemande avait ainsi ouverte (possibilité pour les parlements nationaux de contester la jurisprudence européenne). Sans réponse convaincante de la BCE, la Bundesbank allemande risquait de ne plus participer aux achats d'obligations d'État.
D'intenses discussions ont eu lieu entre Francfort et Berlin ces dernières semaines. Pour commencer, la BCE a publié les procès-verbaux des réunions qui avaient précédé la décision de mettre en œuvre le PSPP en mars 2015. En outre, le procès-verbal de la dernière réunion de politique a montré qu'il y avait un large débat autour des avantages et des inconvénients de la politique monétaire extrêmement souple actuellement menée. Enfin, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a aussi répondu à une question parlementaire posée par Sven Simon à propos de l'approche adoptée par la banque centrale. Tout d'abord, la BCE a contrôlé l'efficacité des mesures prises. Ensuite, elle s'est penchée sur leur efficience. Le même résultat aurait-il été obtenu avec moins de moyens ou moins d'effets secondaires négatifs? Enfin, une analyse coûts-avantages (marginaux) a aussi été effectuée. De manière générale, il a été conclu que les avantages marginaux de ces mesures exceptionnelles étaient jusqu'à présent nettement plus importants que leurs coûts marginaux. À terme, il n'est cependant pas exclu que la balance penche de l'autre côté. En ce qui concerne les effets secondaires négatifs d'un taux directeur négatif/bas, nous pensons notamment à l'incitation à prendre plus/trop de risques dans l'espoir d'obtenir un rendement, des épargnants floués ou l'inefficacité du mécanisme de transmission monétaire qui freine l'octroi de crédit à l'économie réelle. La banque réédite son analyse à intervalles réguliers pour éviter que le point de basculement ne soit atteint.
Après la réaction de peur de début mai, les marchés ne se sont plus vraiment préoccupés de cette épée de Damoclès. Ils avaient d'autres chats à fouetter. Cela explique le manque de réaction de l'euro, des taux européens et des bourses européennes ce matin. Les primes de risque de crédit vis-à-vis de l'Allemagne n'ont pratiquement pas bougé. Sur la scène européenne, le prochain grand rendez-vous sera la sommet des 17 et 18 juillet. La chancelière allemande, Angela Merkel, espère que les partenaires parviendront à s'entendre sur la proposition de plan de relance, et notamment sur le chapitre de l'aide budgétaire aux États membres les plus touchés.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC