"Enfin" une correction
Ces derniers temps, il a beaucoup été question du décalage entre l'optimisme des marchés et la grande incertitude dans le monde "réel". Malgré la réouverture de l'économie, les données et les analyses indiquent que la reprise sera longue et très cahoteuse. Ce climat d'incertitude n'a cependant pas empêché les marchés des actifs à risque de poursuivre leur remontée. Hier, la bourse technologie du Nasdaq a même battu un nouveau record historique. Les importantes mesures de soutien mises en œuvre par les banques centrales sont une arme particulièrement puissante.
En période de stress et d'insécurité extrêmes, beaucoup d'actifs sont vendus à n'importe quel prix, car les gens préfèrent alors avoir leur argent en mains. La liquidité est, par définition, un actif très sûr. Son prix ne varie pas. C'est à la banque centrale qu'il revient de combler tout éventuel manque de liquidité et de garantir le fonctionnement des marchés. La Fed, la BCE et de nombreuses autres banques centrales ont donc pris d'innombrables mesures de soutien. Outre les facilités de crédit et autres lignes de swap, les programmes d'achat d'actifs ont aussi contribué à une formation (plus) correcte des prix sur le marché. Ce dernier a rapidement compris que les mesures seraient là pour durer. Elles jouent un rôle dans la politique de relance monétaire. Nous nous dirigeons vers une longue période de taux extrêmement bas, de conditions monétaires très souples et de primes de risque faibles. Si les taux restent très bas pendant longtemps, cela signifie que les actifs qui continuent à générer, à terme, des cash-flows, ont une valeur "très élevée". Et les marchés sont alors guidés par les principes du TINA ("There Is No Alternative") et de la quête de rendement.
Quelques signes d'hésitation ont pour la première fois été observés sur les marchés ces derniers jours. La crainte d'un nouveau rebond de l'épidémie aux États-Unis et les tensions commerciales latentes ont provoqué une correction dans le rallye "TINA". Jusqu'où la baisse peut/doit-elle aller? Jusqu'à nouvel ordre, il ne s'agit que d'une correction sur un marché très unidirectionnel. Une deuxième vague de contaminations ne constitue évidemment pas une bonne nouvelle pour les marchés des actifs à risque.
Un autre danger, encore plus important, serait que les marchés se mettent à douter de la capacité (supposée) des autorités monétaires (et budgétaires) à endiguer la crise. Cet éventuel point de basculement (psychologique) est si possible encore plus difficile à évaluer que le coronavirus et ses conséquences économiques. Nous n'avons vraisemblablement pas encore atteint ce point.
Tous les marchés n'ont pas été frappés de la même façon par la correction de ces derniers jours. Ce sont les actions qui réagissent le plus. Les taux des obligations d'État sûres ont certes perdu quelques points de base, mais vu la faiblesse des niveaux absolus, il ne reste pas beaucoup de marge. Soulignons par ailleurs que les primes de crédit intra-UEM de pays comme l'Italie n'ont jusqu'à présent quasiment pas augmenté. La confiance dans le programme PEPP et les autres mesures de la BCE reste intacte. Sur le marché des changes, le dollar conserve son statut de valeur refuge, même si les incertitudes actuelles sont surtout dues au nouveau rebond de l'épidémie aux États-Unis. La monnaie américaine perd cependant de son tonus. Le dollar (pondéré des échanges commerciaux) reste proche de son plancher "post-corona" (97,25). Le cours EUR/USD ne s'est pour le moment pas encore approché de son premier important niveau de support (1,1160).