Une décennie de création d’emplois balayée en un mois
Nous y sommes: la grand-messe mensuelle des statistiques américaines, qui se conclut traditionnellement par la publication des payrolls, a démontré l’impact du confinement. Selon le Bureau des statistiques de l’emploi américain, 20 500 000 Américains ont perdu leur emploi. Un chiffre qui égale la création d’emplois totale depuis la crise financière et qui n’a jamais été aussi élevé depuis la Grande Dépression des années 30. Le secteur des services est le plus durement touché: les loisirs et le tourisme ont vu la suppression de 7 650 000 postes, soit près de la moitié du total de l’emploi dans ces industries.
Le taux de chômage américain a bondi de 4,4% à 14,7%. Pour rappel, en février, il n’était que de 3,5% – soit le niveau le plus bas depuis les années 60. À l’issue de la crise financière, le pic de chômage était de 10%. D’ailleurs, le chiffre réel est probablement plus proche des 20%. Le taux de chômage est une estimation qui se fonde sur un sondage (extrapolé) mené auprès des ménages. Certains répondants auront mal évalué leur situation. Les demandes effectives d’allocations de chômage confirment cette perspective et le conseiller économique de la Maison-Blanche, Hassett, a commenté par la suite que le cap des 20% pourra être atteint en mai. Le pourcentage d’Américains détenteurs d’un emploi est retombé à 51,3% – un plancher historique. En avril, les salaires ont augmenté de pas moins de 4,7% en glissement mensuel et de 7,9% en glissement annuel: ceci s’explique statistiquement par le fait qu’en avril, les postes à faible revenu ont été les premiers à disparaître.
Il serait illusoire de penser que maintenant que certains états lèvent les mesures de confinement, l’économie américaine et le marché de l’emploi se rétabliront rapidement. Des restrictions (de capacité) sont toujours en place. Et si les consommateurs maintiennent d’eux-mêmes la distanciation sociale, par exemple jusqu’au développement d’un vaccin, les petits commerces (la publication suivante aura lieu vendredi) resteront sous pression. La demande en berne de biens et de services limite le nombre d’emplois nécessaires; enfin, beaucoup d’Américains font face à un avenir incertain. Cet été, les transferts de liquidités du gouvernement aux PME (principalement) prendront fin. Elles avaient pour but de limiter les réductions d’effectifs. Mais sans prolongation, de nombreux Américains au chômage temporaire risquent le chômage permanent. Pour couronner le tout, ces dernières semaines, plusieurs grandes entreprises ont annoncé d’importantes restructurations.
Par miracle, les marchés ont à nouveau haussé les épaules. Mais bien entendu, beaucoup de mauvaises nouvelles ont d’ores et déjà été prises en compte à court terme. À moyen terme, nous restons pessimistes. La reprise économique menace de devenir une procession d’Echternach: trois pas en avant, deux pas en arrière. Les bourses américaines ont enregistré jusqu’à 2% de bénéfices et les taux américains ont gagné jusqu’à 5 points de base sur la partie longue de la courbe. Nous pensons que le nombre record d’obligations d’État émises cette semaine exerce une influence à cet égard. Le dollar américain n’a pas trébuché: la paire EUR/USD évolue actuellement dans la partie basse de 1,08 et garde en vue les niveaux de support importants de 1,0727/1,0778.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC