"Dovish hike" de la Fed
L'élection du mot de l'année a eu lieu quelques jours trop tôt. L'expression "dovish hike" ("resserrement accommodant") aurait en effet aussi eu de grandes chances d'être élue. D'ores et déjà un sérieux candidat pour l'année prochaine? Tant la Réserve fédérale américaine (Fed) que la Riksbank suédoise ont sorti ce concept de leur manche au cours de ces dernières 24 heures.
Hier, la Fed a rehaussé son taux directeur de 25 points de base, de 2%-2,25% à 2,25%-2,50%. Soit le fameux "hike" (resserrement) que nous venons d'évoquer. Le terme "dovish" renvoie quant à lui, dans le jargon monétaire, à la prudence dont fait preuve la banque centrale par rapport à l'année prochaine. La Fed compte en effet ralentir le rythme de normalisation de sa politique. En septembre, la médiane des projections de taux faisait encore état de trois hausses en 2019, une en 2020 et aucune en 2021. Dans ce scénario, le taux directeur devait culminer à 3,25%-3,50%. Depuis hier soir, la trajectoire pour les prochaines années ne table plus que sur deux hausses de taux en 2019, une en 2020 et aucune en 2021. Le taux directeur plafonnerait donc 25 points de base plus bas, à 3%-3,25%.
On retrouve le même bémol dans le communiqué de presse. Les développements économiques et financiers seront suivis par la banque centrale américaine et pourraient influer sur le scénario économique. Les risques sont pour le moment en équilibre, mais la balance commence à pencher dans le mauvais sens. La Fed demeure néanmoins positive en ce qui concerne la situation actuelle. La croissance américaine est solide, le marché du travail tendu et l'inflation proche de l'objectif de 2%. Les nouvelles prévisions montrent que la croissance devrait quitter ses niveaux supérieurs à 3% et évoluer en direction de son potentiel (1,9%), que l'inflation restera stable et que le taux de chômage évoluera sous les 4% et le taux NAIRU (taux de chômage en situation de plein emploi dans une économie en équilibre).
Le "dovish hike" de la Fed n'a pas été assez "dovish" pour le marché. Vous suivez toujours? Même si elle se montre plus prudente, la banque centrale demeure tout de même beaucoup plus agressive que le marché. Les récentes corrections sur le marché des taux suggèrent que de nombreux investisseurs considèrent le resserrement d'hier soir comme le dernier de ce cycle. Celui qui pensait que le marché allait commencer à s'aligner sur la Fed doit être déçu. Les taux américains ont perdu jusqu'à 8,7 points de base sur les échéances à 30 ans (aplatissement de la courbe des taux), même si cela est probablement dû au nouveau recul enregistré sur les bourses. Pas question de bienveillance (le mot de l'année selon les Éditions Le Robert) sur le S&P 500, où les pertes subies depuis le début du mois d'octobre se montent à 15%. Le fait que la banque centrale n'ait quasiment pas modifié sa "forward guidance" fait peur aux bourses. Plusieurs hausses de taux "progressives" pourraient donc encore être effectuées dans un avenir proche, alors que beaucoup estimaient que la Fed allait passer à une politique totalement "dépendante des données". Dans ce second scénario, la Fed aurait, par exemple, eu les mains libres pour suspendre ses hausses de taux trimestrielles en mars 2019. Le marché craint que ces relèvements de taux préprogrammés n'enraient définitivement le cycle économique. Tant les bourses que les taux sont en train de tester des niveaux de support cruciaux aux États-Unis. Pour le S&P 500, nous surveillerons de près la zone des 2 500 points. Pour le taux à 10 ans, ce sera la zone de 2,78-2,8%. De franches ruptures sous ces niveaux marqueraient le début d'un nouveau monde en 2019.