Vers un nouvel ordre mondial post-coronavirus

Les marchés

L’économie mondiale post-coronavirus s’annonce radicalement différente. La crise fait toujours rage, mais nous pouvons déjà observer des initiatives qui contribueront à façonner l’ère post-Covid-19. Ces initiatives viennent de plusieurs angles – et elles sont loin d’avoir toujours à cœur les intérêts de tous. Les semaines à venir seront notamment cruciales pour les négociations du Brexit entre l’UE et le Royaume-Uni. Depuis longtemps, ce n’est plus une affaire exclusivement européenne: les États-Unis tournent autour de la table des négociations. Depuis 2017, Washington propose une alternative claire au Royaume-Uni, sous la forme d’un accord commercial et d’investissement poussé avec les États-Unis plutôt qu’avec l’Union européenne. Le gouvernement britannique y est particulièrement réceptif. L’UE est certes le principal partenaire commercial du Royaume-Uni, mais le marché américain est tout aussi important: les exportations britanniques aux États-Unis sont même à la hausse, contrairement aux exportations vers les marchés européens. Les États-Unis sont en train d’augmenter la pression, car les négociations entre l’UE et le Royaume-Uni entrent dans une phase critique pour conclure un accord d’ici fin juin – la date limite théorique pour convenir d’une prolongation du délai. Le FMI plaide ouvertement pour un tel report; mais pour l’heure, le gouvernement britannique ne veut rien savoir. Il serait naïf de croire que le Royaume-Uni privilégiera finalement un accord avec l’UE. Les Américains ont des atouts de taille à mettre sur la table, car après tout, un partenariat intensif avec les Britanniques s’inscrit dans leur vision d’un nouvel ordre mondial: le bloc occidental contre les économies émergentes. À court terme en tout cas, un accord Royaume-Uni/États-Unis sans accord Royaume-Uni/UE aurait un impact négatif majeur sur l’économie européenne.

L’intérêt des États-Unis pour un accord avec le Royaume-Uni est en contraste flagrant avec la nouvelle confrontation entre les États-Unis et la Chine. Il est clair que la guerre commerciale n’est pas terminée. Elle entre même dans une nouvelle phase, bien au-delà des questions commerciales et économiques. De fait, la crise du coronavirus sert de prétexte bienvenu pour enrayer la puissance de la Chine et d’autres économies émergentes. Quant à savoir si la manœuvre fonctionnera… Selon les nouvelles perspectives de croissance du FMI, les économies émergentes sortiront renforcées de la crise, au détriment des pays occidentaux. La Chine elle-même fait à nouveau preuve d’assertivité, avec une mise en garde claire contre de nouvelles manifestations à Hong Kong et avec de nouvelles mesures incitatives pour renforcer les intérêts internationaux de la Chine – comme un allègement de la dette pour les pays qui se montrent favorables à la “nouvelle route de la soie” (Belt and Road Initiative).

Et l’Europe? Elle est encore aux prises avec ses démons intérieurs. La décision ambiguë de la Cour constitutionnelle allemande, qui contraint la BCE à mieux motiver les mesures d’assouplissement quantitatif et à les appliquer de façon proportionnelle, est une bombe à retardement posée dans les rouages des incitants monétaires européens et suscite à juste titre l’inquiétude des marchés. Une modification structurelle de la législation européenne s’impose, mais pourra-t-on trouver un consensus? En attendant, il reste à voir si la BCE pourra continuer à offrir un soutien suffisant pour compenser les ondes de choc dans l’économie européenne, alors que sa force de frappe vient clairement d’être limitée. L’Europe s’efforce maintenant – non sans affectation et naïveté – de se faire l’égérie de la diffusion mondiale et équitable de vaccins contre le Covid-19. Une initiative certes utile en soi, mais qui met malheureusement en exergue le manque d’enthousiasme pour la coopération multilatérale.

Ces derniers développements tendent à démontrer que l’économie post-coronavirus sera moins axée sur le marché et présentera beaucoup plus d’obstacles pour le commerce international. La survie dans ce terrain miné nécessitera de sérieux atouts.

Exportations bilatérales britanniques (indice 2000 = 100)

Bron: Bloomberg

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