La BCE ne convainc pas les marchés
Jeudi dernier, le lendemain du jour où la Fed a annoncé sa détermination à veiller à la santé de l’économie américaine et des marchés financiers, les investisseurs se sont tournés vers la BCE. Ils espéraient une annonce européenne tout aussi vigoureuse; mais le flot de paroles de Lagarde les a finalement laissés sur leur faim.
Conformément aux attentes, la BCE a laissé son taux directeur (taux de dépôt) inchangé, à -0,50%. En revanche, elle a davantage ouvert le robinet des liquidités. Elle a diminué le taux des prêts à long terme (TLTRO III) qui doivent apporter de l’oxygène à l’économie réelle via le secteur financier. En plus, la BCE a mis en place une nouvelle facilité de crédit sous forme d’opérations de refinancement à plus long terme non ciblées d’urgence face à la pandémie (PELTRO). Ce programme vise à préserver le fonctionnement du système financier. Cependant et à la déception des marchés, la BCE ne procède plus à de nouveaux rachats d’obligations dans le cadre du PEPP. Les investisseurs espéraient que la banque centrale porterait le programme de rachat à la barre symbolique des 100 milliards d’euros; mais la BCE préfère pour l’heure garder sa poudre au sec. Lagarde a néanmoins signalé que des mesures d’incitation supplémentaires ne sont pas exclues. Si nécessaire, le programme de rachats face à la pandémie “pourrait être prolongé” après 2020; en outre, sa “flexibilité” sera utilisée “en totalité”, notamment à l’égard des pays qui voient leurs dettes achetées. En clair: la BCE continue à soutenir l’Europe du Sud en général et l’Italie en particulier. Enfin, la BCE garde un atout dans sa manche: le bazooka des OMT, qui lui permettent en théorie de racheter des obligations d’État de manière illimitée et qui n’ont pas été évoqués. Cet instrument est en principe lié aux facilités de crédit d’urgence du MES.
Quant à l’économie dans son ensemble, les perspectives sont tout sauf réjouissantes. Lagarde a évoqué une crise sans précédent en temps de paix. La BCE avertit que cette année, l’économie de la zone euro pourrait se contracter de pas moins de 12% (!) à la suite de la crise du coronavirus. Les données récentes en donnent un avant-goût amer: les indicateurs PMI ont plongé, les conditions du marché de l’emploi se sont détériorées et la confiance des consommateurs et des entreprises est en chute libre. Il est actuellement difficile d’entrevoir la lumière au bout du tunnel. Lagarde a prévenu que le rythme et l’ampleur de la reprise économique demeurent extrêmement incertains. Philip Lane, l’économiste en chef de la BCE, prédit que l’économie pourrait même mettre 3 ans (!) à se remettre de l’impact du coronavirus.
Aujourd’hui, les investisseurs voient à nouveau le verre à moitié vide. Le sentiment de marché a empiré à la suite des sorties du président Trump, qui pointe du doigt la Chine comme étant la cause de la pandémie de coronavirus. Trump a même menacé d’imposer des taxes douanières en guise de représailles – pour les investisseurs, une douloureuse piqûre de rappel du conflit commercial. Après ce long week-end, les bourses européennes enregistrent des pertes jusqu’à 4% et les taux allemands (et américains) stagnent aux alentours des nadirs récents. À la fin de la semaine dernière, le cours EUR/USD a brièvement franchi le plafond de 1,10, mais à présent, le dollar se renforce (1,0930). Le prochain seuil technique important du cours EUR/USD est de 1,088.