La Fed est toujours en piste
La Fed n'a pas lésiné sur les moyens pour combattre la coronavirus ces derniers mois. Hier, la banque a tenu sa première réunion de politique régulière depuis la fin du mois de janvier. Après toute une série de programmes visant à injecter des liquidités sur le marché et à soutenir l'octroi de crédit à l'économie, les investisseurs ne s'attendaient pas à ce que la Fed touche à ses taux. En revanche, ils étaient curieux de voir si Powell allait en dire plus sur le lancement de certains programmes et les prévisions en matière de croissance, d'inflation et de taux.
Comme prévu, la Fed a maintenu son taux directeur dans une fourchette entre 0% et 0,25% et n'a pas non plus touché à son arsenal de programmes de soutien monétaires. La banque centrale se concentre désormais sur l'activation de ses nouveaux outils, dont seule une poignée est déjà véritablement opérationnelle . Les taux ne devraient pas être relevés de sitôt. Powell a clairement indiqué que la politique monétaire resterait encore particulièrement accommodante pendant longtemps. Plus encore, la Fed a donné sa propre version américaine du fameux "whatever it takes" et promet d'utiliser toutes ses capacités avec force et de manière proactive et agressive afin de relancer l'économie. Powell n'a pas précisé de quelles cartes il disposait encore, mais il a expliqué qu'il était encore possible d'ajuster la durée et la taille des facilités d'octroi de crédit. Le président de la Fed a même fait un appel du pied à l'administration Trump en plaidant pour encore plus de dépenses budgétaires. Le gouvernement a déjà déployé pour plus de 3.000 milliards de mesures de relance. Les conséquences qu'auront toutes ces dépenses sur l'énorme dette des États-Unis sont pour le moment secondaires. Aujourd'hui, tous les efforts doivent se concentrer sur la lutte contre la crise du coronavirus.
Contrairement à l'administration Trump, qui veut rouvrir l'économie le plus rapidement possible dans l'espoir probablement vain d'une reprise en V, la Fed se montre beaucoup plus pessimiste et réaliste. La Fed s'attend à un recul significatif de l'activité économique, de l'emploi et de l'inflation. Elle a laissé entendre qu'il ne fallait pas s'attendre à une embellie de sitôt. La banque se prépare à devoir mener un long combat contre les effets et les risques substantiels de la pandémie à court et moyen terme. Powell craint que la crise ne laisse des traces durables sur l'économie et dit ne pas devoir s'attendre à un retour aux niveaux pré-covid-19 avant longtemps.
Hier, nous avons déjà eu droit à un premier léger avant-goût des effets du coronavirus sur l'économie. Les chiffres montrent que l'économie américaine s'est contractée de 4,8% en glissement trimestriel (taux annualisé) au premier trimestre, sa plus forte baisse depuis 2008. Et le pire est encore à venir... Le chiffre du premier trimestre ne couvre en effet qu'un seul mois exceptionnel (mars), avec une forte chute des dépenses des consommateurs de 7,6% et un recul relativement modeste des investissements de 5,6%. Le tableau risque d'être beaucoup plus noir au deuxième trimestre.
La mise en garde de Powell contre les traces durables que laissera la crise sur l'économie a laissé les marchés de marbre. Les investisseurs se sont raccrochés au message "low for long" et à l'espoir généré par le remdesivir, un médicament de Gilead qui, d'après des tests menés aux États-Unis, permettrait de traiter plus efficacement le covid-19. Les taux américains ont gagné quelques points de base sur la partie longue de la courbe (environ 5pb pour le taux à 30 ans). La partie courte devrait, quant à elle, rester plate dans un avenir proche. Le message accommodant délivré par la Fed a par ailleurs donné un léger coup au dollar. Le cours EUR/USD s'est hissé dans la partie haute de la zone de 1,08 et cote actuellement à 1,088. Aujourd'hui, c'est au tour de la BCE de se réunir. La Banque centrale européenne s'apprête probablement à délivrer un message similaire à celui de la Fed. La BCE pourrait ainsi encore ajuster la taille de son programme PEPP. Ce soutien monétaire (ou cette promesse de soutien), conjugué à un sentiment de marché constructif, pourrait pousser la paire EUR/USD en direction de 1,09.