Couronne tchèque très vigoureuse
Inflation! Le thermomètre qui indique si l’économie risque de surchauffer et si les banques centrales doivent entrer en action. Dans les grandes économies (Japon, États-Unis et UEM), ce débat est toujours mis en sourdine jusqu’à présent. Si nous observons actuellement certains signes timides de remontée de l’inflation mondiale, la pression n’est cependant pour le moment pas encore suffisamment élevée pour en faire un « thème prioritaire » sur les marchés. Et ce, d’autant plus que les banques centrales préfèrent actuellement voir une inflation un peu trop élevée qu’une inflation un peu trop basse.
Cet objectif d’une « inflation un peu trop élevée » a entre-temps été atteint dans certains pays d’Europe centrale. La semaine passée, nous avons déjà évoqué le cas de la Pologne dans ces colonnes. Aujourd’hui, nous braquons les projecteurs sur la Tchéquie. Tant la couronne que l’inflation dans le pays ont en effet atteint des niveaux importants.
Cela fait déjà quelques années que l’économie tchèque se porte bien. Le pays a la situation bien en main, avec des finances publiques saines (budget en équilibre, dette à 31%) et une position externe équilibrée. Par ailleurs, la Tchéquie est un important fournisseur de l'Allemagne. C’est la raison pour laquelle elle connaît également un ralentissement de croissance. Mais l’économie affiche néanmoins toujours un taux d’utilisation des capacités très élevé. Le chômage reste extrêmement faible (2,2%, norme européenne). Contrairement à la situation dans d’autres économies développées, la pénurie sur le marché de l’emploi se traduit par d’importantes hausses salariales en Tchéquie (environ 7,0%). La logique économique voudrait que cela entraîne une hausse de l’inflation et c’est d’ailleurs ce qui se passe. Celle-ci a en effet grimpé à 3,2% en glissement annuel en décembre, soit un niveau un peu plus élevé que prévu et, surtout, au-dessus de la « zone de tolérance » de +/-1,0% autour de l’objectif de 2,0% de la banque centrale (CNB).
Contrairement aux voisins hongrois ou polonais, la CNB mène une politique monétaire orthodoxe. Alors que l’inflation s’est progressivement rapprochée des 2% au cours de ces dernières années, la CNB a fait passer son taux directeur de 0,0% à 2,0% en mai dernier. Depuis, le débat autour d'un nouveau relèvement est resté animé. En décembre, deux membres du comité de politique ont ainsi voté en faveur d’un resserrement. Étant donné l’approche orthodoxe suivie par la CNB, on pourrait s’attendre à ce que cette hausse de taux soit bientôt effectuée. Si la probabilité augmente, l’affaire n’est cependant pas encore entendue.
À l’image des autres banques centrales, la CNB évalue l’inflation attendue sur un horizon de deux ans. La banque centrale tchèque s’attend à ce que l’inflation évolue de nouveau en direction des 2% surtout l’année prochaine. Par ailleurs, on peut se demander si la CNB a intérêt à relever ses taux maintenant, alors que l’industrie manufacturière subit de plus en plus les conséquences de la récession dans l’industrie allemande. Terminons par quelques mots à propos de la couronne tchèque. Précision utile: la CNB ne mène PAS de politique de change. Ces derniers mois, la couronne s’est appréciée plus que la CNB ne l’avait estimé. La devise tchèque n’avait plus été aussi forte vis-à-vis de l’euro depuis fin 2012. Cette vigueur de la monnaie a pour effet de freiner l’inflation (avec un léger décalage), faisant ainsi une partie du travail qu’effectuerait la banque en rehaussant ses taux.
La couronne se trouve donc dans une situation un peu ambigüe à l’heure actuelle. Elle s’apprécie parce que le marché s’attend de plus en plus à un relèvement de taux de la CNB en raison de l’accélération de l’inflation. Et, dans un même temps, la banque centrale ne voudra probablement pas brusquer les choses étant donné la vigueur de la monnaie. Avec un cours de EUR/CZK 25, nous pensons que la couronne est correctement valorisée. À court terme, la dynamique de marché jouera encore en faveur de la devise tchèque et cela continuera ainsi tant que le débat autour d’un éventuel nouveau resserrement persistera.