Oscar assuré pour Glapinski
Alors que les récompenses de 2019 viennent à peine d'être décernées, nous tenons déjà notre premier lauréat pour 2020! Dans la catégorie "je nie l'évidence", le gagnant est ... (roulement de tambour) .... , Adam Glapinski, de la banque centrale polonaise! Le gouverneur a véritablement brillé lors de la première conférence de presse de l'année hier. Petit florilège des articles parus dans la presse: "Après la disparition de Draghi, Glapinski démontre pourquoi il est le plus grand acteur banquier central de sa génération" (The Frankfurt reporter). "Après cette représentation, Glapinski rejoint sans la moindre hésitation la liste d'autres personnages célèbres ayant opté pour la politique de l'autruche, tels que Bill Clinton, Johan Museeuw et le Roi Albert II" (The Financial Sun). "Une performance cinq étoiles de Glapinski. Le sang lui est littéralement sorti du nez au moment où il a qualifié l'inflation de modérée" (Central Bank Daily).
La banque centrale a, comme prévu, maintenu son taux directeur à 1,5% (pour le 59e mois d'affilée), mais Glapinski n'a surtout pas soufflé mot de l'inflation. Lors de la conférence, il est apparu très à l'aise dans son rôle de défenseur d'une politique monétaire extrêmement souple. Si cela ne dépendait que de lui, le taux directeur ne serait pas modifié une seule fois au cours de son mandat (2016-2022). Mais s'il devait tout de même être ajusté, ce serait plutôt à la baisse qu'à la hausse.
Comparons ce discours avec la réalité des faits et commençons directement par ce qui coince: l'inflation. Si l'on en croit la déclaration de la NBP, celle-ci serait "modérée" en Pologne et faible dans la zone euro. Au vu des chiffres de l'inflation publiés mardi en Pologne, cela a laissé plus d'un journaliste bouche bée. Modérée? En décembre, l'inflation polonaise est, contre toute attente, passée de 2,6% sur une base annuelle à 3,4%, son niveau le plus élevé depuis 2012. Elle flirte donc avec la limite supérieure de la marge de tolérance de +/-1% autour de l'objectif de 2,5%. De plus, il ne s'agit pas uniquement de l'inflation générale, plus volatile. L'inflation de base sous-jacente, qui ne tient par exemple pas compte des prix de l'énergie, devrait probablement aussi avoir franchi la barre des 3% en glissement annuel en décembre (publication prévue le 16 janvier). Enfin, on peut également s'attendre à ce que l'inflation continue de grimper (>4%) au cours des prochains mois étant donné les hausses prévues des prix de l'électricité et des accises sur l'alcool et les cigarettes.
En ce qui concerne la croissance, la NBP constate que celle-ci reste faible à l'échelle mondiale, mais que les risques de baisse diminuent, notamment en raison de la désescalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. La Pologne reste, quant à elle, le meilleur élève de la classe (européenne), avec un taux de croissance de 1,3% en glissement trimestriel au troisième trimestre. Il sera difficile de maintenir ce rythme au cours des prochains mois, mais les perspectives demeurent positives. L'économie peut surtout compter sur le consommateur grâce à la pénurie sur le marché du travail, un revenu réel positif (encore à l'heure actuelle) et aux cotisations sociales (ce n'est pas une blague). De plus, le gouvernement mène aussi un politique budgétaire accommodante, qui s'ajoute à la souplesse de la politique monétaire. Les investissements des entreprises et les exportations nettes apportent aussi leur contribution.
Dans ce contexte, Glapinski et ses camarades n'évoquent donc à aucun moment d'éventuelles hausses de taux en vue de ralentir l'inflation. Les mouvements observés sur le marché (des taux) cette semaine montrent que les investisseurs s'attendent à ce que la NBP fasse machine arrière. Les taux polonais ont en effet grimpé de 10 (2 ans) à 20 (10 ans) points de base, tant après la publication des chiffres d'inflation qu'après la réunion de politique de la banque centrale. Outre un ajustement à la réalité polonaise, ces chiffres confirment selon nous que la prime de risque d'inflation intégrée sur les marchés des taux mondiaux est trop faible. Les chiffres de l'inflation américaine pourraient venir confirmer cette hypothèse mardi prochain. Sur le marché des changes, le zloty polonais en a profité. Le cours EUR/PLN teste maintenant la zone de support autour de 4,24. Une rupture sous ce niveau ouvrirait la voie vers le plus bas de 2018, autour de 4,13.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC