2020: une journée entière sans risque d'événement!
2020 s'annonçait comme une année où les marchés allaient être davantage à l'abri de ce que l'on appelle les risques d'événement ("event risks" en anglais). Avec l'accord commercial partiel conclu par les États-Unis et la Chine et l'approbation définitive de la sortie du Royaume-Uni de l'UE, les marchés et l'économie étaient au moins provisoirement débarrassés de deux facteurs perturbateurs qui ont constamment pesé sur la confiance des investisseurs l'année passée. Hier, convaincus que l'année allait commencer sur des bases plus saines, les investisseurs s'en sont donc donnés à cœur joie. Mais le rallye a tout de même eu quelque chose de particulier. Non seulement les bourses ont gagné pas mal de terrain, mais les obligations, en principe moins demandées dans un contexte "risk-on", ont également bien performé. Même l'or s'est apprécié. Hors de question évidemment de "surinterpréter" les mouvements observés sur une seule séance. Tout le monde n'est pas encore au poste et les marchés sont toujours à la recherche des nouveaux thèmes qui les guideront. En fait, cette progression simultanée des actions et des obligations est peut-être due la décision prise par la banque centrale chinoise. La PBOC a en effet décidé d'assouplir les conditions de crédit en réduisant le taux des réserves obligatoires imposé aux banques. Cela prouve que les autorités monétaires (et peut-être aussi budgétaires) continueront à mettre tout en œuvre pour soutenir la croissance. Une bonne nouvelle pour pratiquement toutes les classes d'actifs.
L'espoir d'une année 2020 "plus calme" n'aura néanmoins pas duré longtemps. Ce matin, le président Trump et les responsables de la politique étrangère américaine ont ramené les marchés à la dure réalité: les "risques d'événement" de l'année passée ont beau avoir été relégués au second plan, d'autres sujets pourraient très bien reprendre ce rôle cette année. Comme, par exemple, le conflit qui oppose les États-Unis à l'Iran. Après toute une série d'incidents ces dernières semaines, Washington a décidé ce matin de passer à la vitesse supérieure sur les plans politique et militaire. Lors d'une attaque menée en Irak, l'armée américaine a abattu un important responsable militaire iranien. Le risque d'escalade est donc élevé. Par conséquent, les investisseurs en Asie et en Europe n'ont aujourd'hui plus vraiment de raisons de parier sur les bourses américaines. Nous venons donc déjà d'assister à la première correction "risk-off" de 2020. Le baril de pétrole est ainsi passé au-dessus de la barre des 68 dollars. Les bourses sont en recul. Le mouvement de repli vers les obligations d'État US et allemandes pousse les taux à la baisse. Sur le marché des changes, le yen joue son rôle de valeur refuge. La hausse du dollar vis-à-vis de l'euro demeure pour le moment limitée.
La suite des événements dépendra évidemment en premier lieu des éventuelles mesures de représailles de l'Iran et/ou d'une éventuelle escalade du conflit. Voici tout de même quelques premières pistes de réflexion.
La correction aurait pu être plus grave, en particulier sur les bourses asiatiques. La nervosité est davantage perceptible en Europe. Les taux longs en Europe/Allemagne se sont repliés d'un peu plus de cinq points de base. Une réaction typique de "fuite vers les valeurs refuges". Nous sommes cependant curieux de voir dans quelle mesure ce type d'événement va continuer à pousser les taux vers le bas. En fin 2019, nous avions observé de timides signes de légère reprise des prévisions d'inflation. Et toutes choses étant égales par ailleurs, une augmentation du cours de l'or noir pourrait aussi faire grimper les prévisions d'inflation. Dans ces conditions, une forte chute des taux paraît moins probable. Pour le dollar, la situation n'est pour le moment pas encore très claire. À la fin de l'année passée, certains se sont visiblement positionnés en vue de la reprise "tant attendue" du billet vert. Le cours EUR/USD était à un moment passé au-dessus de la barre de 1,12. Cette idée a de nouveau "provisoirement" été abandonnée. Il est possible que le dollar ait plus de difficultés que d'habitude à jouer son rôle de valeur refuge au cours de cette année électorale qui s'annonce agitée. En 2019, certains acteurs du marché avaient regretté le manque de volatilité/résilience sur certains marchés comme celui des changes. Faut-il s'attendre à du changement en 2020? Le gouvernement Trump fait en tous les cas déjà de "son mieux" en ce sens.