La Banque du Canada maintient le cap
Cela fait déjà plus d'un an que la banque centrale canadienne (BoC) maintient son taux directeur à 1,75%. La BoC a de nouveau campé sur ses positions hier. Cela est en soi remarquable lorsque l'on sait que le voisin américain a procédé à trois baisses de taux sur la même période. Généralement, les politiques monétaires de ces deux grands partenaires commerciaux sont étroitement liées. Le gouverneur Stephen S. Poloz semble pour le moment résister au chant des sirènes qui appellent partout à un assouplissement des politiques monétaires. Plus encore. Ceux qui espéraient un statu quo laissant la porte ouverte à une éventuelle réduction des taux ("dovish hold") ont dû déchanter hier.
En octobre, la BoC s'était encore montrée prudente vis-à-vis des développements économiques à court terme. Si les chiffres n'ont pas vraiment progressé le mois passé, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, la banque pointe tout de même cette fois des signes de stabilisation de l'économie. On peut donc considérer cela comme une avancée. La croissance intérieure est principalement soutenue par la consommation (hausse des revenus disponibles) et par une forte augmentation inattendue des investissements. Par ailleurs, la déclaration de la banque contient aussi pour la première fois une référence explicite à une diminution du risque de récession. L'inflation dans le pays continue d'évoluer plus ou moins au milieu de la fourchette cible de 1%-3%. Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné, la banque centrale américaine joue probablement un rôle. Le fait que celle-ci ait annoncé ne plus envisager de baisses de taux (après les trois derniers assouplissements effectués) a permis d'atténuer la pression qui pesait sur les épaules de la BoC pour qu'elle emprunte le même chemin. La Fed a désormais adopté un positionnement neutre et, comme Poloz et ses collègues, attend des preuves que le coup de mou de l'économie est derrière nous.
La prochaine révision approfondie de la politique monétaire canadienne aura lieu en janvier (le 22). Les incertitudes autour du commerce international, la principale menace pesant sur les prévisions, sont contrebalancées par des facteurs internes qui soutiennent l'économie canadienne. En outre, le gouvernement devrait encore donner un coup de pouce budgétaire avant la fin de l'année, ce qui aura un impact sur les prévisions de croissance.
Le marché a réagi face à la posture neutre affichée par la Banque du Canada. Les taux canadiens ont grimpé de quatre points de base sur la partie courte de la courbe. Le dollar canadien s'est fortement apprécié vis-à-vis de son équivalent américain. Le cours USD/CAD est passé de pratiquement 1,33 à un niveau inférieur à 1,32. Outre la réunion de politique de la banque centrale, le loonie a aussi pu compter sur deux autres facteurs cruciaux hier. Tout d'abord, le cours du pétrole brut (Brent) est passé de 61 dollars à 63 dollars le baril à l'approche de la réunion de l'OPEP prévue aujourd'hui à Vienne. Le marché anticipe une prolongation de l'accord de limitation de la production, dont l'échéance est prévue en mars. Ensuite, les bourses ont été rassurées par les derniers commentaires (positifs) à propos des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis. Un climat favorable au risque, ou une amélioration générale des chiffres économiques, joue également en faveur de la monnaie canadienne. La zone autour de USD/CAD 1,30 constitue un niveau de support technique important.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC