La RBA entre en hibernation
De nombreuses réunions de banques centrales sont prévues en décembre. La politique monétaire sera encore passée à la loupe dans pratiquement chaque pays "important" au cours du dernier mois de l'année. La Reserve Bank d'Australie (RBA) a lancé le bal hier.
Comme prévu, le président de la RBA, Philip Lowe, a maintenu le taux directeur à un plancher historique de 0,75%. La banque centrale estime que cela est nécessaire pour pouvoir continuer à faire tourner le pays. Les incertitudes (commerciales), notamment dues au conflit commercial qui oppose les États-Unis à la Chine, pèsent sur l'économie ouverte du pays et sur la confiance. La banque centrale estime néanmoins que le pire est passé. L'économie pourrait, grâce à la faiblesse des taux, avoir atteint un tournant, même si celui-ci n'est pas encore visible dans les chiffres de croissance du troisième trimestre publiés ce matin (0,4% en glissement trimestriel). Le marché du travail se porte bien, mais la croissance des revenus disponibles demeure modeste. Or, la RBA aimerait que la croissance salariale s'accélère, non seulement pour donner un coup de fouet à l'inflation (sous l'objectif de 2-3% depuis déjà quelque temps), mais également pour soutenir les dépenses des consommateurs australiens, fortement endettés. La timide stabilisation observée sur le marché immobilier aide également.
Les risques liés aux prévisions sont toujours orientés à la baisse, mais ont été jugés légèrement moins négatifs en décembre. Lowe et ses collègues tablent peut-être sur un rapprochement entre les États-Unis et la Chine et la signature d'un accord commercial partiel. En ce qui concerne la politique monétaire, Lowe explique dans un nouveau paragraphe qu'il faudra encore du temps pour que les trois assouplissements réalisés depuis juillet dernier fassent leur effet sur l'économie. Une manière (détournée) pour la banque centrale d'indiquer qu'elle compte temporiser pendant au moins un moment. Un discours donné par le président la semaine passée mérite à cet égard d'être signalé. Les taux bas n'ont pas encore totalement permis de réduire le chômage, de stimuler la croissance des salaires et de doper l'inflation. D'où l'accroissement des spéculations autour du passage à une politique non conventionnelle. Lowe a donc tracé les contours d'une telle politique la semaine passée: la RBA n'envisagera un assouplissement quantitatif que si le taux directeur tombe à 0,25% et que l'objectif d'inflation et d'emploi risque de ne pas être atteint. Le président de la banque centrale ne pense pas que cette situation arrivera, mais le simple fait d'y avoir réfléchi a été interprété par le marché comme un signal important. Celui-ci a donc revu ses prévisions de deux baisses de taux, dont une dès le premier trimestre de l'année prochaine, (fortement) à la hausse.
Ces anticipations nous paraissent excessives à l'heure actuelle. À court terme, la banque centrale australienne compte en effet rester dans l'expectative. Si les données économiques ne se détériorent pas davantage et que la situation continue de se stabiliser chez le partenaire commercial qu'est la Chine, la RBA n'aura alors pas vraiment de raisons d'encore abaisser ses taux, et encore moins de s'engager dans un programme d'assouplissement quantitatif. L'évolution des politiques commerciales constitue évidemment une variable cruciale. Hier, le président américain, Donald Trump, a laissé entendre qu'un accord commercial avec la Chine pourrait attendre après l'élection présidentielle de novembre 2020. D'après les négociateurs US, les deux parties seraient néanmoins plus proches d'un terrain d'entente que les remarques de Trump ne le laissent supposer. Nous continuons de tabler sur un accord avant la fin de cette année. Cette confirmation noir sur blanc pourrait permettre au dollar australien de sortir de son canal baissier, en particulier par rapport à son équivalent US. Le cours AUD/USD de 0,69 constitue un seuil important. Une rupture serait synonyme d'une nette amélioration pour l'Aussie d'un point de vue technique. Si vous le permettez, monsieur Trump?