Une BoC un peu plus prudente...
Hier, la banque centrale canadienne (BoC) a décidé de maintenir son taux directeur à 1,75%. Une décision qui n'a surpris personne. Le ton du communiqué a néanmoins évolué par rapport à celui de la précédente réunion de fin octobre. Est-ce que le Canada éternue aussi lorsque les États-Unis prennent froid ?
Petit tour d'horizon pour commencer. La BoC a déjà relevé son taux directeur à trois reprises cette année (janvier, juillet et octobre) et à cinq reprises depuis le début du cycle de resserrement au milieu de l'année passée. La banque suit en ce sens une logique économique et monétaire classique. L'économie se porte bien et le taux d'utilisation des capacités est proche de ses limites. L'inflation n'est pas vraiment élevée, mais elle flirte tout de même avec l'objectif de 2%. Dans ce contexte, les taux peuvent donc être ramenés vers leur niveau neutre d'un point de vue cyclique. Selon une analyse interne de la BoC, ce niveau neutre se situe entre 2,5% et 3,5%. Tous les trois mois, la banque publie un rapport de politique détaillé qui sert de cadre de référence pour la politique monétaire. Aucun rapport n'était prévu pour la réunion de décembre, mais le communiqué de presse a tout de même été considérablement remanié par rapport à celui du mois d'octobre. Cela n'est pas passé inaperçu sur les marchés, surtout dans ce contexte d'incertitude et de volatilité accrues.
La banque prend acte du ralentissement de la croissance mondiale. Un constat qui n'a toutefois rien de surprenant (étant donné la longueur du cycle économique). La banque centrale fait à la fois état de risques haussiers et de risques baissiers. Après un solide premier semestre, l'économie canadienne s'est également essoufflée au troisième trimestre, avec un taux de croissance annualisé de 2,0%. Ce ralentissement était attendu, mais certains signes pointent également déjà un momentum de croissance moins soutenu au quatrième trimestre. Le climat commercial globalement défavorable a pesé sur les investissements. D'un autre côté, le nouveau traité commercial signé avec les États-Unis a permis de supprimer une source d'inquiétude. L'octroi de crédits aux ménages se stabilise, mais cela ne constitue pas en soi une mauvaise nouvelle en termes d'équilibre financier. L'inflation reste proche de l'objectif. La banque centrale admet cependant que l'économie pourrait encore disposer d'une petite marge de croissance sans que cela n'ait un impact direct sur l'inflation. La modification la plus marquante réside dans la place plutôt importante qu'accorde la BoC aux développements dans le secteur pétrolier. Tant la baisse généralisée du cours de l'or noir que des problèmes spécifiques au Canada (problèmes de transport) vont, à court terme, peser sur la production et laisseront des traces sur la croissance. Pourtant, la BoC reste pour le moment convaincue que les taux devront probablement encore être relevés en direction de leur niveau neutre. Les circonstances/facteurs de risque pourraient cependant ralentir (ou accélérer) le rythme.
En soi, la communication de la BoC est restée plutôt descriptive et neutre. Dans le contexte actuel, le marché était cependant surtout attentif aux aspects "soft". Il y a peu, le marché estimait encore la probabilité d'une nouvelle hausse de taux en janvier à plus de 50%. Ce pourcentage a depuis été revu à +/- 25%. Cette perspective d'un soutien plus faible des taux a heurté le dollar canadien hier. Cela fait quelque temps que nous sommes positifs vis-à-vis du dollar canadien et nous avions encore été confortés dans notre point de vue après la réunion d'octobre. Il est indéniable que la BoC est en train de se préparer une petite marge de manœuvre. Nous avons toutefois l'impression que le marché a déjà intégré une approche très prudente. À court terme, le climat général des taux ainsi que l'évolution des taux de la Fed et des prix pétroliers vont aussi avoir un impact sur les prévisions de taux concernant la BoC. Mais dans un scénario de normalisation progressive généralisée, le marché pourrait néanmoins rapidement accorder de nouveau plus de crédit aux intentions de normalisation de la BoC. À court terme, le prix du baril pourrait avoir un peu plus de poids qu'il ne l'a eu récemment sur l'évolution du cours du dollar canadien. Une influence qui peut évidemment aller dans les deux sens. Il faudra donc tenir l'OPEP à l'œil...