L'écheveau du Brexit se complique de plus en plus
Hier, les tournants de l'intrigue qui se trame au parlement britannique se sont enchaînés plus rapidement que dans un roman d'Agatha Christie. Le premier jour du débat sur le Brexit n'a pas été de tout repos. À une semaine du vote crucial sur le Brexit (prévu le 11 décembre), les parlementaires britanniques compliquent encore l'arbre de décision. Cela dit, le risque d'un Brexit sans accord le 29 mars 2019 n'en a sans doute pas moins diminué. Les investisseurs restent sur leurs gardes. Cette semaine, le différentiel EUR/GBP oscille grosso modo entre 0,8850 et 0,8950.
La première surprise nous venait de l'extérieur, en la personne de Manuel Campos Sanchez-Bordona, l'avocat général de la Cour de Justice de l'Union européenne. Hier, il a déclaré dans un avis que le Royaume-Uni pouvait révoquer unilatéralement l'article 50. C'est en effet sur ce fameux article du Traité de Lisbonne que se fonde la décision britannique de quitter l'UE. Jusqu'ici, la Commission européenne argumente qu'une révocation de l'article 50 requiert l'accord unanime des 27 autres États membres. Bien que l'avis de Manuel Campos Sanchez-Bordona n'ait aucune valeur contraignante, il est rare que la Cour de Justice de l'UE s'écarte de telles directives au moment de rendre son verdict final. Si ce rebondissement apporte de l'eau au moulin des Britanniques qui sont attachés au continent européen, il s'agit pour la première ministre May d'une arme à double tranchant. D'une part, cette idée pourrait convaincre les fervents partisans du Brexit de soutenir sa proposition de divorce, par crainte d'un scénario dans lequel le Royaume-Uni resterait finalement au sein de l'Union. Mais le nombre de voix que Theresa May pourrait ainsi gagner dans le camp eurosceptique risque d'être réduit à néant par la perte du soutien des adeptes de l'appartenance à l'Union.
Une deuxième décision a fait rougir de honte le gouvernement de Theresa May. La Chambre des communes du parlement britannique accuse le gouvernement d'« outrage au parlement ». C'est la première fois dans l'histoire politique britannique qu'un gouvernement se voit décerner cet honneur douteux. Une majorité des députés exigent que l'avis juridique sur la base duquel la première ministre May a conclu l'accord sur le Brexit avec l'UE soit publié dans son intégralité. Voilà qui pourrait jouer dans le jeu des détracteurs de l'accord, qui s'empresseront de se mettre en quête de preuves leur permettant de réfuter l'argument de Theresa May selon lequel cet accord était le seul possible.
Le dernier démêlé de la journée a été déclenché par une proposition de Dominic Grieve. Figure de proue d'un groupe de Tories proeuropéens, ce dernier est parvenu à faire passer un amendement selon lequel le parlement — et non le gouvernement — pourrait décider de la suite des événements dans l'hypothèse où l'accord conclu par Theresa May serait rejeté la semaine prochaine. Malgré cette potentielle perte de pouvoir, cette perspective offre à la première ministre May un argument supplémentaire pour gagner à sa cause les eurosceptiques lors du vote du 11 décembre, par crainte d'ouvrir la porte à davantage de concessions, à un second référendum, voire à un abandon pur et simple du Brexit.
Le débat parlementaire se poursuivra aujourd'hui. Pour les investisseurs, le risque binaire reste entier en dépit des dissensions d'hier. Il est probable que la volatilité envahisse les marchés britanniques à l'approche du vote. Une volatilité qui pourrait d'ailleurs persister pendant un certain temps après cette date butoir vu que personne n'est en mesure d'évaluer l'impact que pourrait avoir sur le plan politique un rejet de l'accord de Theresa May par le parlement britannique.