La Fed n'est plus en pilotage automatique
Comme prévu, la Fed a décidé hier d'abaisser son taux directeur de 25pb et de l'amener dans une fourchette comprise entre 1,5 et 1,75%. Le président de la banque, Jerome Powell, a par ailleurs précisé que les marchés ne devaient pas compter sur un autre assouplissement de si tôt. La prime d'assurance est désormais entièrement réglée. La Fed ne se dit désormais plus "prête à agir de manière appropriée". Au lieu de cela, elle explique qu'elle suivra de très près les nouvelles statistiques afin d'évaluer ce qui est nécessaire de faire. Dit autrement: nous sommes disposés à ajuster notre politique. Les trois dernières baisses de taux effectuées devraient avoir donné suffisamment d'oxygène à l'économie américaine pour résister aux pressions internationales. En évoquant le niveau du chômage, qui n'a plus été aussi bas depuis 50 ans, la "robustesse" du marché du travail et le "solide rythme" de croissance des dépenses des consommateurs, Powell a souligné l'état de santé globalement positif de l'économie américaine. Le président de la Fed a par ailleurs fait remarquer que les risques externes avaient diminué, pointant les évolutions positives dans le conflit commercial qui oppose les États-Unis à la Chine et l'accord sur le Brexit. Bref: fin de l'assouplissement en pilotage automatique.
Ne jamais dire "jamais"
Il ne faut évidemment jamais dire "jamais". Il serait malvenu d'exclure définitivement toute probabilité de nouvelles baisses de taux. Powell a expliqué qu'il faudrait une nette détérioration des perspectives pour justifier une révision de la politique monétaire. En d'autres termes, il faudrait que le consommateur - qui reste jusqu'à présent le principal moteur de la croissance - craque. Or, les chiffres du PIB du troisième trimestre montrent que les ménages continuent de dépenser. Une hausse des taux est également peu probable. "Nous relèverons les taux si l'inflation est élevée", a déclaré Jerome Powell. Compte tenu de la baisse des prévisions d'inflation et du caractère symétrique de l'objectif d'inflation de 2%, cela ne risque pas d'arriver de si tôt.
Si l'intention de Powell était d'offrir un catalyseur positif au marché, il ne s'y serait probablement pas pris autrement. La fonction de réaction de la Fed asymétrique (observée) maintient le scénario "Goldilocks" en vie: des taux qui resteront vraisemblablement bas pendant encore longtemps et une économie qui reste provisoirement robuste.
La baisse de taux était en grande partie attendue par les marchés et n'a donc pas provoqué beaucoup de mouvements. Les taux à 2 ans et à 10 ans ont augmenté après l'annonce de la décision, mais sont ensuite repartis à la baisse en raison du ton accommodant adopté durant la conférence de presse. La courbe des taux (10 ans-2 ans) s'est aplatie de 3pb et le cours EUR/USD a terminé en hausse (près de 1,1160), le billet vert ayant perdu le soutien des taux. Les investisseurs restent sur leur garde et se posent des questions sur le rythme de croissance de l'économie américaine et l'objectif d'inflation. Ils tablent encore sur une baisse de taux supplémentaire en 2020. La réaction montre que le marché espère une politique de la Fed accommodante et souligne l'importance des données économiques à paraître dans les prochains jours. Le biais asymétrique (observé) de la Fed rend les marchés plus sensibles à un affaiblissement des données qu'à un renforcement. Un premier test aura lieu demain avec les publications de l'indicateur ISM de confiance des entreprises dans l'industrie manufacturière et les payrolls. L'optimisme de Powell pourrait bientôt être douché par d'éventuelles données décevantes.
Youssra El Nasire, salle des marchés KBC