La troisième tentative sera-t-elle la bonne pour la Fed?
La Fed, le rapport sur le marché de l’emploi américain, l’indice ISM de confiance des entreprises de l’industrie manufacturière, les résultats d’exploitation de quelques-uns des grands de ce monde (Apple, Facebook, Alphabet…), les chiffres de croissance du troisième trimestre et l’inflation aux États-Unis et en Europe et, oui, le Brexit… Nous sommes à la veille d’une semaine particulièrement animée. Le passage d’octobre à novembre est d’autant plus captivant que plusieurs segments des marchés financiers peuvent pencher de façon décisive d’un point de vue technique. Considérons de plus près l’un des points d’orgue de cette semaine, à savoir, la réunion de la Réserve fédérale américaine.
Ce mercredi, Powell et son entourage discuteront de la politique monétaire: il est plus que probable que la Fed abaissera le taux de 1,75-2% à 1,5-1,75%. Bien que les prévisions médianes de septembre (les “dots”) n’anticipent pas de nouvelle baisse, il s’agit du scénario préférentiel de la grande minorité (7/17), parmi laquelle comptent selon nous quelques pontes de la Fed qui prévaudront mercredi, à la lumière des données américaines peu convaincantes. Il s’agirait ainsi du troisième abaissement consécutif des taux depuis l’annonce d’un “mid-cycle adjustment” en juillet. Le troisième… et provisoirement le dernier?
Le président de la Fed fait volontiers la comparaison avec les années 90. En 1995 et en 1998, la banque centrale américaine appliquait en effet aussi une politique d’abaissements anticipatifs des taux – avec succès, selon Powell. Il n’y en a alors eu que trois, après quoi le cycle haussier de taux a enfin repris. La référence explicite de Powell à ces périodes suggère que le président pourrait envisager la même stratégie, qui est aussi notre scénario préférentiel. Entre-temps, le débat sur la fin des abaissements intermédiaires des taux fait rage parmi les gouverneurs. Certains d’entre eux voulaient déjà l’annoncer dans le communiqué de politique de septembre: c’était alors aller trop loin pour le FOMC particulièrement divisé, mais cela nous semble un risque réel ce mercredi. Toutefois, nous ne pensons pas que la Fed fermera pour de bon la porte à des baisses supplémentaires des taux. Elle placera la barre plus haut, mais non pas hors de portée. La dépendance aux données économiques demeure le fin mot de l’affaire.
Le marché a presque totalement intégré une baisse des taux de 25 pb. L’attention porte surtout sur la déclaration concomitante et la conférence de presse qui suivra. Les risques sont asymétriques: de fait, les investisseurs prévoient actuellement un troisième et d’un quatrième abaissement des taux en 2019, avec un abaissement final en 2020. Or si la Fed signale effectivement la fin de la série d’abaissements des taux, un repositionnement majeur se profilera. Dans ce contexte, le concept plutôt vague de “dépendance aux données” sera probablement perdu pour le marché. Pour les taux américains, cela impliquera en premier lieu un rebond, surtout sur la partie courte de la courbe. Le taux à deux ans pourra s’aventurer à éprouver la partie supérieure de la bande latérale. Pour le cours EUR/USD, la réunion de la Fed sera décisive: récemment, la paire de devises a de nouveau franchi le niveau technique important de 1,10. Une Fed légèrement moins souple pourrait refaire pencher la balance en faveur du dollar… du moins, jusqu’à la publication des payrolls et de l’indice ISM de confiance des entreprises ce vendredi?