Un pavé irlandais dans la mare
Jeudi 17 octobre au matin. Un accord sur le Brexit semble être en vue. Tous les yeux sont tournés vers les Britanniques. Une solution va-t-elle enfin être trouvée? Le suspense est à son comble quand, après de longues discussions, un tweet du président de la Commission européenne, Jean-Claude Jucnker, vient détendre l'atmosphère: "Quand il y a une volonté, il y a un accord: nous en avons un !". Nous pouvons enfin pousser un soupir de soulagement: les 27 États membres de l'UE ont approuvé le nouvel accord sur le Brexit. Sommes-nous enfin arrivés au bout du tunnel après trois années de palabres? Les dirigeants se félicitent. À côté de Juncker, Boris Johnson insiste sur le fait que cet accord permettra au Royaume-Uni de "quitter totalement l'UE le 31 octobre". Et le Premier ministre appelle le Parlement britannique, qui a déjà retoqué à trois reprises le précédent accord négocié par Theresa May, à donner son feu vert à "cet excellent deal". "À partir du mois prochain, nous pourrons conclure nos propres accords commerciaux. Nous reprenons le contrôle de notre argent, nos frontières et nos lois."
Des pommes et des poires?
La première question que l'on peut se poser est la suivante: en quoi cet accord diffère-t-il de celui qui avait été négocié par Theresa May? Dans le nouveau texte, le filet de sécurité ("backstop") irlandais, qui a longtemps été l'élément de blocage dans les négociations, est remplacé par de nouvelles règles douanières. L'exercice était délicat entre, d'une part, éviter le rétablissement d'une frontière dure en Irlande et, d'autre part, faire en sorte que l'Irlande du Nord reste membre à part entière du Royaume-Uni. Une solution a donc finalement pu être trouvée. Après le Brexit, l'Irlande du Nord fera, sur papier, partie de l'union douanière britannique, mais dans la pratique, elle devra suivre les règles européennes. Des contrôles douaniers seront effectués sur toutes les marchandises entrantes, y compris celles en provenance d'Angleterre, dans les ports d'Irlande du Nord afin d'éviter que le frontière nord-irlandaise ne devienne la porte d'entrée pour toutes sortes de fraudes. Cet accord nécessitera donc une étroite collaboration avec les services douaniers européens pour l'échange des données et le traçage des chargements. Aucun droit de douane ou quota ne sera appliqué. Barnier a confirmé que les Britanniques avaient opté pour un accord commercial, mais qu'il avait été convenu que le
bloc européen et le Royaume-Uni aspireraient à une zone de libre-échange et éviteraient de mettre en place des quotas d'importations.
Ne pas vendre la peau de l'ours...
Johnson espère que les députés approuveront l'accord dès ce samedi, mais l'expérience nous a montré qu'il valait mieux rester prudent: l'accord trouvé avec les Européens ne signifie pas que l'affaire est dans le sac. Les travaillistes, les unionistes nord-irlandais du DUP et les nationalistes écossais du SNP ont déjà dit tout le mal qu'ils pensaient de ce nouveau texte. Il est donc difficile de savoir comment Johnson parviendra à trouver une majorité au sein du Parlement.
Les marchés ont naturellement réagi à l'annonce. Cela faisait déjà plus d'une semaine que la livre était repartie à la hausse, dopée par les rumeurs d'un possible accord. Celui-ci a donc finalement été trouvé. La monnaie britannique s'est appréciée en direction de EUR/GBP 0,86 directement après l'annonce, mais elle est ensuite repartie à la baisse après les déclarations du DUP. L'heure reste cependant à l'optimisme. Malgré les incertitudes autour du vote de demain, la livre a tout de même conservé la majeure partie des gains qu'elle avait engrangés. Cela veut dire que la livre pourrait réagir plus brusquement si l'accord n'était pas approuvé par le parlement. Le cours a en effet déjà intégré en grande partie une issue positive.
Youssra El Nasire, salle des marchés KBC