L’optimisme cède la place au réalisme
Vendredi dernier, le président Trump encensait les “excellentes” négociations commerciales avec la Chine. Au Royaume-Uni, le Premier ministre irlandais Varadkar louait un entretien sur le Brexit “constructif et prometteur” avec son homologue britannique Johnson. Le conflit commercial sino-américain et le Brexit étant les deux plus gros nuages qui pèsent sur l’économie mondiale, le marché a accueilli ces nouvelles positives à bras ouverts: les cours boursiers, les taux d’obligations d’État considérées comme sûres, l’euro et la livre ont remonté. Cette hausse est en partie justifiée, car des progrès importants ont bel et bien été réalisés tant dans le cadre du conflit commercial que dans le cadre du Brexit. Néanmoins, les actions concrètes qui ont accompagné ces paroles constructives n’ont pas (pleinement) répondu aux attentes. La prudence reste de mise.
Les discussions commerciales à Washington ont abouti à la définition de lignes directrices générales – ou, selon les mots de Trump, à la phase 1 d’un accord partiel. Or dans cet accord partiel, qui doit au demeurant être couché sur papier, les deux parties évitent les points vraiment épineux, dont le dossier en cours contre Huawei et la protection concrète de la propriété intellectuelle. Ces problématiques seront abordées à un stade ultérieur. En attendant, la Chine s’engagerait à acheter davantage de produits agricoles américains et prendrait des mesures supplémentaires pour ouvrir son marché à l’étranger. Les deux parties seraient en outre parvenues à un compromis sur le taux de change (du yuan), mais ce point-là reste également vague. En contrepartie, les États-Unis annuleraient l’augmentation prévue des taxes à l’importation (de 25% à 30%) sur 250 milliards $ de biens chinois, une mesure qui devrait normalement entrer en vigueur demain. Cependant, jusqu’à nouvel ordre, les tarifs supplémentaires prévus le 15 décembre seront bel et bien appliqués. À la suite de l’annonce de l’accord, la réaction des bourses américaines fut révélatrice: les gains en cours de séance ont chuté d’un petit pourcentage et les taux américains sont retombés de leurs sommets du jour. Pour vague qu’il soit, cet accord représente un pas dans la bonne direction; mais il reste des obstacles importants à franchir avant d’espérer atteindre un accord exhaustif qui mettrait fin au conflit. Les marchés européens, déjà clôturés au moment de l’annonce de Trump, tiennent compte des dommages aujourd’hui. En outre, les investisseurs européens ont une déception supplémentaire à essuyer.
Brexit: le réalisme est de mise
Vendredi, tant Varadkar que Johnson entrevoyaient une issue possible au marasme du Brexit et au problème de la frontière irlandaise en particulier. Or après les négociations de ce week-end, l’optimisme initial s’est vite changé en réalisme, car la proposition du Premier ministre Johnson pour remplacer le filet de sécurité irlandais se heurte à la résistance de l’Europe: il y aurait trop peu de détails, ce serait trop complexe et il y aurait un trop grand risque de fraude économique. La situation illustre bien le fossé qui persiste à ce jour entre les deux parties. Pourtant, le temps presse: Johnson a jusqu’au sommet européen (qui aura lieu jeudi et vendredi) pour conclure un accord avec l’Europe. À défaut, il faut craindre un sursis – notre scénario préférentiel, que le Premier ministre exclut jusqu’à présent – ou une sortie chaotique de l’UE. Conformément aux habitudes européennes, il est possible qu’une solution survienne à la dernière minute. Mais dans ces circonstances, rien ne laisse présager un redressement soutenu de la livre, qui s’est presque renforcée de trois “big figures” ces jours-ci (cours EUR/GBP de 0,90 à la partie basse de 0,87). Actuellement, la devise se remet déjà à glisser vers EUR/GBP 0,88 (premier niveau de résistance).