La BoE opte également pour la voie de l'assouplissement…
Les fluctuations de la livre sterling ont ces derniers temps été surtout dictées par les rebondissements de la saga du Brexit, même si l'issue du processus et ses implications pour l'économie britannique et la devise restent difficiles à prévoir. Les statistiques britanniques et la politique menée par la Bank of England (BoE) étaient généralement d'une importance secondaire pour la livre. La donne a à présent changé.
Depuis le référendum de 2016, le Brexit plane sur l'économie britannique à la manière d'une ombre. Pourtant, cette dernière a tenu bon jusqu'en début d'année. Le Royaume-Uni a même rapporté pour le premier trimestre une croissance de 0,6%, même si cette image était faussée — à la hausse — par la tendance des entreprises à constituer des stocks en prévision du Brexit qui devait normalement intervenir au 31 mars. Le deuxième trimestre s'est soldé par une contraction de 0,2%, qui s'expliquait en partie par la réduction de ces stocks constitués en vue du Brexit. Le repli avait donc une bonne raison. Au niveau sous-jacent cependant, d'autres facteurs exerçaient déjà une influence. Les PMI britanniques de l'industrie manufacturière et du secteur de la construction affichent depuis le mois de mai des niveaux inférieurs à 50 points, le seuil marquant la frontière entre expansion et contraction. Les Britanniques se raccrochaient cependant au secteur des services. L'emploi était toujours en pleine croissance et le consommateur voyait son revenu réel augmenter (hausse plus rapide des salaires que de l'inflation). Cette image positive permettait à la BoE d'ignorer le Brexit. À l'époque du référendum, on avait reproché à Mark Carney et aux siens d'être trop pessimistes au sujet du Brexit. La BoE a donc changé de tactique. Elle s'est mise à tabler sur une sortie ordonnée de l'UE. Dans un tel cas de figure, les taux d'intérêt feraient à terme l'objet d'un relèvement modéré. Le marché aurait bien voulu savoir ce que la BoE ferait si la sortie de l'UE venait à ne pas être ordonnée, mais Carney et ses disciples restaient dans le vague à ce sujet.
Les événements récents forcent cependant la BoE à laisser voir dans son jeu. En septembre, la BoE a épinglé l'impact négatif de l'incertitude persistante (au sujet du Brexit). Michael Saunders, un conseiller de la BoE qui ne passe pourtant pas pour une colombe, a même été encore plus explicite. Même dans l'hypothèse d'une sortie ordonnée de l'UE, l'incertitude reste énorme et il se pourrait que la BoE doive elle aussi abaisser les taux. Pour ceux qui hésitaient encore, les PMI publiés cette semaine ont éclairci les choses. Dans le sillage de l'industrie manufacturière et du secteur de la construction, le PMI du secteur des services a lui aussi plongé sous le seuil de 50 points. La BoE peut donc oublier son scénario de relèvement des taux. Il ne lui reste qu'à se rallier aux autres banques centrales et à se préparer — et surtout à préparer le marché — à un assouplissement de sa politique. Le marché, lui, en était déjà arrivé à cette conclusion il y a bien longtemps. Il ne faut donc pas s'attendre à un soutien de la part des taux d'intérêt, pas même pour la livre. Nous y voyons un signe qu'en dernier recours, la BoE aurait plutôt tendance à jouer la carte de la croissance qu'à vouloir endiguer l'inflation.
Mais revenons un instant sur la livre et les derniers rebondissements du Brexit. Le gouvernement Johnson et l'Union européenne se chamaillent entretemps sur une nouvelle proposition de Boris Johnson. Celle-ci devrait atténuer le "backstop" irlandais et le rendre plus acceptable pour les Britanniques, en particulier pour les Conservateurs. Boris Johnson semble en tout cas avoir trouvé une proposition qui fait davantage l'unanimité au sein de son parti. L'Union européenne est moins enthousiaste, mais ne ferme pas (encore?) formellement la porte. Elle aussi aimerait vraiment régler la question du Brexit.
Beaucoup d'eau passera encore sous les ponts d'ici le sommet de l'UE qui se tiendra les 17 et 18 octobre. Nous nous risquons néanmoins à retenir deux options politiques dans ce dossier. Soit un (vague?) compromis est trouvé. Une fois la question du Brexit réglée, la livre pourra remonter encore un peu. Si aucun accord n'est trouvé, des élections pourraient être organisées. L'issue est incertaine, mais Boris Johnson pourra toujours dire aux électeurs que le report était dû au fait que l'UE n'a pas accepté sa proposition plus dure. De plus, il semblerait que les Conservateurs puissent d'une certaine manière se regrouper derrière la nouvelle proposition de Boris Johnson. Non qu'une telle élection soit gagnée d'avance, mais force est d'admettre que le scénario du parti travailliste, notamment, n'est pas vraiment plus tentant. Dans ce scénario, le carrousel du Brexit sera reparti pour un tour, toujours avec Boris Johnson à la régie. Pour la livre, cela signifierait sans doute un statu quo: attendre nerveusement… la prochaine date butoir.