Une nouvelle tragédie grecque en devenir?

Les marchés

L'économie grecque connaît en ce moment une relance miraculeuse à laquelle personne n'aurait cru il y a quelques années. Le précédent gouvernement du pays, une coalition entre le parti radical de gauche Syriza et le parti populiste de droite des Grecs indépendants, est parvenu contre toute attente, sous la houlette du premier ministre Alexis Tsipras, à contracter un mariage de raison avec les institutions européennes. L'Europe est ainsi devenue à la fois un allié et un ennemi. Car si les fonds européens ont d'une part préservé la Grèce de la faillite, Bruxelles était aussi perçue — comme souvent — comme responsable de tous les maux causés par les réformes et les mesures d'austérité. Le palmarès du gouvernement Tsipras est impressionnant. Jamais auparavant des mesures aussi draconiennes n'avaient été prises en Grèce. Cela dit, le pays n'avait guère d'autre choix dans sa situation. Mais tout le processus a été un calvaire que personne ne voudrait traverser à nouveau.

On ne s'étonnera donc pas de la défaite essuyée aux dernières élections législatives par Alexis Tsipras, qui a dû s'incliner devant une coalition conservatrice de droite dirigée par Kyriakos Mitsotakis. Le nouveau premier ministre veut poursuivre le programme de réformes de son prédécesseur, en allant de préférence encore un peu plus loin et un peu plus vite. Toutefois, le nouveau gouvernement n'est plus à ce point prisonnier du carcan européen. Les réformes à venir sont donc un libre choix du gouvernement grec, qui espère ainsi se débarrasser définitivement des problèmes structurels du passé. Du point de vue économique, ce choix politique est une bonne nouvelle. Vu le soutien apporté par la faiblesse des taux d'intérêt et l'aide financière que le pays reçoit toujours de l'Europe, le moment est idéal pour achever de réformer l'économie grecque et en renforcer les fondements.

Quelques statistiques prouvent que les réformes portent leurs fruits, mais les défis restent de taille. Le taux de chômage a atteint un record de 27,7% en mars 2015, mais est dans l'intervalle retombé à 18%. Après des années de contraction, l'économie grecque a laissé entrevoir une croissance, bien que timide, en 2017 (1,5%) et en 2018 (1,9%). Mais tout va à présent dépendre des dispositions de la population grecque. Les grèves et les manifestations sont à nouveau le pain quotidien de la Grèce. De plus, les marchés financiers devront eux aussi continuer à faire preuve de patience. Le taux grec à long terme a beau avoir suivi la tendance baissière internationale, tout le monde est bien conscient que le taux de 1,35% dont s'assortissent actuellement les obligations d'État à 10 ans ne reflète absolument pas le profil de risque du pays.

Plusieurs faiblesses structurelles de l'économie grecque sont alarmantes. Pour commencer, le programme des réformes n'est pas terminé, et l'on peut se demander s'il pourra être poursuivi sans la pression de l'Europe. La dette publique reste colossale, tandis que le secteur bancaire grec est confronté à des bilans particulièrement fragiles. La faiblesse du système financier et l'incertitude quant à l'avenir font que les banques grecques continuent à accorder de moins en moins de crédits. Et pendant ce temps, la part des prêts non performants reste substantielle (voir illustration). Les taxes additionnelles reposent sur une base trop restreinte. Les économies réalisées revêtent souvent un caractère ponctuel et réduisent le potentiel de croissance. De plus, la Grèce se protège encore aujourd'hui artificiellement à travers des contrôles des capitaux et des injections de liquidités. La compétitivité du pays reste faible également. Et pour comble de malheur, voilà que la faillite du groupe Thomas Cook vient à présent frapper le secteur touristique par ailleurs si performant.

La Grèce reste donc une bombe à retardement. Les récents succès ne sont pas de nature structurelle et pourraient rapidement être réduits à néant. Grâce aux réformes réalisées, les risques ne sont plus aussi cuisants que durant la crise financière et la crise européenne de la dette, mais fondamentalement, l'odyssée grecque demeure un cheval de Troie dans une écurie européenne.

Jan Van Hove, KBC Group Chief Economist

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