Choc pétrolier: aucune raison de s'inquiéter?
La détente observée dans le conflit commercial qui oppose les États-Unis à la Chine avait soulevé l'espoir d'une accalmie sur les marchés. Un accalmie qui allait peut-être arriver juste à temps pour amortir une "récession de la production", qui commençait à menacer les secteurs des services nationaux qui, dans la plupart des économies développées, se portent toujours bien. Les bourses et les taux avaient donc gagné du terrain. Avec un peu d'optimisme, on aurait pu parler d'un début de "mouvement de reflation". Mais un fameux grain de sable est venu enrayer le mécanisme hier. L'approvisionnement en pétrole a en effet été sérieusement perturbé par des attaques contre des installations pétrolières saoudiennes, provoquant une flambée de l'or noir d'environ 15%. Devons-nous dès lors nous inquiéter?
Si l'on excepte la flambée du baril, les marchés sont manifestement restés relativement calmes. Les bourses et les taux ont ainsi légèrement corrigé, mais le moment était malgré tout venu de reprendre son souffle après le rallye de ces derniers jours. La hausse limitée de l'indice de volatilité VIX montre d'ailleurs qu'aucun mouvement de panique n'a été enregistré. Pour l'économie européenne, une hausse de 15% de la facture pétrolière ne constitue évidemment pas une bonne nouvelle. Mais il faut néanmoins reconnaître que les prix pétroliers ne peuvent pas encore être considérés comme extrêmement élevés sur le plan historique. D'un autre côté, la faiblesse relative du cours du baril ces dernières années a permis de soutenir les revenus disponibles et la capacité de dépense des ménages. À l'heure où les banques centrales, via leur politique (monétaire), redoublent d'efforts pour relancer les revenus disponibles (réels) par le biais d'une hausse des salaires, une hausse soutenue des prix pétroliers ne serait pas vraiment la bienvenue. Les banques centrales, en ce compris la BCE, tente désespérément de relancer l'inflation. Si le cours du baril demeure élevé, ce sera chose faite dans les prochains mois. Mais personne ne s'en réjouira. Pas même la BCE.
Cela fait déjà quelque temps que les marchés digèrent assez facilement les mauvaises nouvelles en général et les développements géopolitiques en particulier. Cela n'est en soi pas toujours infondé. Un cycle économique reposant sur de solides fondations ne doit pas se laisser abattre par la première contrariété. Reste à savoir si c'est ce type de situation que nous vivons aujourd'hui. Le calme affiché par les marchés était aussi dû à un autre facteur: l'option put implicite des banques centrales. En cas de dérapage, on pourra de toute façon compter sur ces dernières. Pour les marchés, une mauvaise nouvelle est toujours aussi un peu une bonne nouvelle.
Le guerre commerciale dégénère? Dans ce cas, la Fed n'aura d'autres choix que d'assouplir sa politique. L'économie européenne vacille à cause des incertitudes politiques et des répercussions du conflit commercial? La BCE dispose encore de munitions. Le Brexit pose problème? La Banque d'Angleterre (et la BCE du côté européen) pourra toujours intervenir.
Il n'y a pour le moment encore aucune raison de paniquer. La récente discussion sur les effets secondaires de la politique monétaire accommodante montre cependant que les marges dont disposent les banques centrales pour faire face à ce type de "risque d'événement" se sont (fortement) réduites. Et ce n'est pas tout: comment, pour une banque centrale, rester crédible si l'on assouplit sa politique lorsque l'inflation s'accélère, même si cette accélération est due à un choc extérieur. La banque centrale abaisse ses taux lorsque l'inflation est trop basse, mais, si elle le doit vraiment, également lorsque l'inflation augmente? À un moment, il faut savoir rester conséquent. Jusqu'à nouvel ordre, l'incident survenu au Moyen-Orient ce week-end et la flambée de l'or noir qui en a découlé resteront probablement gérables d'un point de vue économique. Toutefois, il est clair que les munitions (monétaires) pour neutraliser les conséquences de ce type de risque se font de plus en plus rares. L'option put des banques centrales, sur laquelle les marchés s'étaient tant reposés, est en train de perdre de sa puissance. Il ne reste plus qu'à espérer que ce conflit (ou un autre) ne fasse pas grimper le baril à 80 ou 100 dollars. Les moyens à notre disposition pour amortir ce genre de choc (de l'offre/économique) sont en effet moins nombreux.