Perspectives à long terme pour l'inflation et les taux

Les marchés

Ce jeudi constitue l'une des journées les plus importantes de 2019 sur le plan monétaire. Prenons toutefois un peu de distance et portons notre regard vers des horizons plus lointains. Comment l'inflation et les taux vont-ils évoluer sur le long terme? La réponse à cette question peut aussi aider à mieux comprendre les réactions du marché sur le court terme.

Les banques centrales veulent avant tout combattre l'inflation, et donc aussi la déflation le cas échéant. À côté de cela, elles peuvent aussi stimuler la croissance économique. Ce dernier objectif est subordonné au premier dans les statuts de la BCE, ce qui n'est pas le cas pour la Fed. Ces dernières années, cette tâche s'est apparentée à une véritable mission impossible pour la BCE. Depuis la crise financière, l'inflation et la croissance économique moyennes sont restées limitées dans la zone euro. La crise des dettes européennes a empêché toute reprise rapide sur le continent. Et les prestations économiques de la zone euro ont donc fait pâle figure face à une économie américaine en nettement meilleure santé.

Il convient néanmoins de reconnaître que la faiblesse de l'inflation dans la zone euro est avant tout due à des facteurs structurels. Ces dernières années, l'inflation de base n'a jamais vraiment pu décoller à cause d'une concurrence internationale intense, d'une population vieillissante et d'une reprise lente de l'emploi et de la croissance salariale. Si une inflation faible est en principe la conséquence d'une économie amorphe, ce sont aujourd'hui surtout des facteurs exogènes qui pèsent dans la balance. Cette précision est importante. En outre, les prix pétroliers réagissent désormais beaucoup moins aux tensions géopolitiques en raison de la flexibilité de l'offre de pétrole de schiste. Les marchés ne s'attendent d'ores et déjà pas à une forte accélération de l'inflation. La politique monétaire expansionniste, ou la perspective d'une telle politique, fait en sorte que la pression baissière sur les taux à long terme n'a quasiment pas diminué. Les différentiels de taux au sein de la zone euro demeurent particulièrement sous pression en raison de l'assouplissement quantitatif (ou l'espoir d'un tel assouplissement) et du fait que la BCE ne réduit pas la taille de son bilan.

Cela dit, un environnement de faible inflation et de taux bas ne doit pas nécessairement déboucher sur une croissance économique atone ou, dit autrement, un scénario à la japonaise pour l'Europe. Bien au contraire. La situation actuelle offre un terreau favorable pour une reprise graduelle mais structurelle de l'économie européenne une fois que les tensions internationales (Brexit, guerre commerciale...) auront fini de peser sur le sentiment. Une lente reprise aura même pour effet d'atténuer la pression haussière sur les taux à long terme, ce qui signifie qu'il faudra encore attendre avant de retrouver des taux beaucoup plus élevés.

Des sursauts des taux ne sont néanmoins pas à exclure si les marchés doivent digérer des informations inattendues. Un premier test aura lieu aujourd'hui: les attentes du marché sont particulièrement élevées, alors que l'arsenal de la BCE est pratiquement épuisé. À plus long terme, il faut se demander comment les marchés réagiront lorsque certains débiteurs seront mis en difficulté à cause de l'énorme dette que nous connaissons aujourd'hui. En attendant, la BCE plaide désormais ouvertement pour une politique budgétaire plus stimulante, mais cela ne fera évidemment que déplacer le risque dans le temps. Comment les marchés réagiront lorsque des pays et des entreprises verront leurs notations dégradées? Le risque a un prix et ce principe fondamental est plus que jamais bafoué aujourd'hui. Il est très probable que nous devions un jour en payer la facture. Nous continuons donc de tabler sur une période prolongée de taux bas ("lower for longer"), mais avec un risque considérable de mouvements haussiers soudains.

Jan Van Hove, KBC Group Chief Economist

Prévisions d'inflation (forward 5 ans dans 5 ans) aux États-Unis (orange) et dans l'UEM (noir).

Disclaimer:

Ce document a été préparé par le desk KBC – Economic Markets et n'a pas été rédigé par le département Research.  Le desk est composé de Mathias Van der Jeugt, Peter Wuyts en Mathias Janssens, analysts  à KBC Bank N.V., entreprise réglementée par l'Autorité des marchés et des services financiers (FSMA). Ces recommandations de marché sont le résultat d'une analyse qualitative, dans laquelle il y a place pour l'expérience passée et les évaluations personnelles. Les avis sont basés sur les conditions actuelles du marché et peuvent être modifiés à tout moment. Les contributions les plus importantes proviennent de données accessibles au public, de nouvelles financières, de la politique économique et monétaire et d'analyses techniques actuelles. Le desk desk KBC – Economic Markets a fait des efforts raisonnables pour obtenir ces informations de sources qu'il considère comme fiables, mais le contenu de ce document a été préparé sans faire une analyse substantielle de ces sources. Aucune évaluation n'a été faite pour déterminer si ces informations sont appropriées ou non pour un investisseur particulier. Les avis sont nos avis actuels à la date indiquée sur ce document et peuvent différer des recommandations précédentes en raison de l'évolution des conditions du marché. Les auteurs ne garantissent pas l'exactitude, l'exhaustivité ou la valeur (commerciale ou autre) de ce document. De même, les auteurs ne sont pas responsables envers quiconque reçoit ce résumé de toute perte ou dommage (qu'il s'agisse d'un délit (y compris la négligence), d'une rupture de contrat, d'une violation de la loi ou d'autres obligations) résultant d'un acte ou d'une omission sur la base de ce contenu, ou de toute réclamation contre les auteurs concernant le contenu ou les informations contenues dans ce document. Toutes les opinions exprimées dans le présent document reflètent le jugement au moment de la préparation de l'examen et sont susceptibles d'être modifiées sans préavis. Étant donné la nature de cet avis (lié à la monnaie et aux taux d'intérêt), il n'est généralement pas de nature spécifique.   Il n'y a donc aucune référence à un quelconque contrat de financement d'entreprise et il n'y a donc pas de vue d'ensemble sur 12 mois basée sur les différents avis. Ce document n'est valable que pour une période très limitée, en raison de l'évolution rapide des conditions du marché.

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