Politique budgétaire: flexible, mais aussi rapide?
La dégradation des perspectives économiques a pour effet de remettre à l'avant-plan le rôle que peut jouer la politique économique. Les banquiers centraux ont ainsi rapidement laissé entendre qu'ils étaient disposés à soutenir l'économie. Aux États-Unis, la Fed a d'ailleurs déjà joint le geste à la parole en abaissant son taux directeur en fin juillet. En Europe, la président de la BCE, Mario Draghi, ne rate jamais une occasion de dire que la banque se tient également prête. Mais ce dernier tient néanmoins un discours légèrement plus nuancé et pointe notamment aussi le rôle de la politique budgétaire en cas de nouvel affaiblissement de la conjoncture.
On est en effet en droit de s'interroger sur la pertinence d'un nouvel assouplissement de la politique monétaire dans la zone euro. Contrairement à la Fed, la BCE n'a plus relevé son taux directeur depuis des années. Ce dernier se trouve par conséquent toujours à un plancher historique. Une nouvelle baisse aurait-elle dès lors un sens? La politique monétaire est parfois comparée à une corde avec laquelle il est possible de freiner une charrette qui roule trop vite, mais qui n'est d'aucune utilité lorsqu'il s'agit de pousser une charrette à l'arrêt. Une banque centrale peut en effet ralentir le rythme de la croissance économique avec des hausses de taux, mais l'effet stimulant des baisses de taux sur la croissance est en revanche moins évident. Draghi croit visiblement beaucoup à l'efficacité de la politique monétaire, mais son allusion au rôle de la politique budgétaire laisse peut-être entrevoir certains doutes.
L'efficacité des mesures de relance budgétaires peut également être discutée. Souvent, elles sont prises trop tard, elles ne sont pas bien ciblées et elles ne sont pas démantelées suffisamment rapidement. Dans l'UE, il faut en outre tenir compte des règles budgétaires en vigueur et des différences qui existent entre les États membres au niveau de la taille et de la dynamique récente des dettes publiques. Souvent, ce sont les pays qui ne disposent de pratiquement aucune marge (comme l'Italie) qui ont tendance à vouloir trop assouplir leur politique budgétaire, avec le risque d'enfreindre les règles européennes. En acceptant une certaine flexibilité dans l'application de ces règles, la Commission européenne (CE) sortante a réussi à éviter des confrontations trop importantes avec certains gouvernements ces dernières années. Au lendemain de sa nomination à la tête de la CE, Ursula von der Leyen a directement laissé entendre qu'elle ferait preuve de la même flexibilité. Et la politique accommodante de la BCE permettra parallèlement d'éviter que les marchés financiers ne sanctionne trop fortement cette flexibilité.
Mais seule une politique de relance budgétaire dans une grande économie disposant de suffisamment de marge pourra avoir un impact positif sur la conjoncture européenne. Cela explique pourquoi tous les yeux sont aujourd'hui tournés vers l'Allemagne. Ce pays dispose en effet de suffisamment de marges budgétaires, mais ne veut jusqu'à présent pas entendre parler de déficits. Faut-il s'attendre à un changement de ce côté et à quel rythme? Le fait que le ralentissement de la croissance dans la zone euro est en grande partie dû à la récession observée dans l'industrie manufacturière allemande pourrait accélérer les choses. Il est évident que plus vite les Allemands reverront leur position en matière de politique budgétaire, plus l'appel à une aide budgétaire lancé par Draghi aura des chances d'être entendu. Les déclarations faites par la chancelière Angela Merkel et le ministre des Finances Olaf Scholz le week-end passé montrent que des mesures de relance budgétaires pourraient être prises si l'Allemagne tombe en récession. Or, l'économie allemande a enregistré un taux de croissance négatif (-0,1% en glissement trimestriel) au deuxième trimestre...
Lieven Noppe, Senior Economist KBC Group