Les montagnes russes de Donald Trump restent un jeu dangereux
Ceux qui croient aux contes de fées qui se terminent bien pensent peut-être que Donald Trump et Xi Jinping sont désormais à nouveau les meilleurs amis du monde. Ces messieurs ont en effet décidé de reprendre place à la table des négociations pour résoudre leurs différends commerciaux. Et en attendant, Donald Trump vient d'annoncer que l'introduction de certaines des majorations des taxes à l'importation serait reportée au mois de décembre.
Mais il ne faut pas rêver. La triste réalité est que les marchés financiers ont fait preuve d'un comportement destructeur en réaction à la dernière incartade de Donald Trump. Or, une abrupte correction en bourse ne rendrait pas vraiment ce dernier plus populaire auprès de l'électorat américain. Malgré tout, de récents sondages tendraient à indiquer que les Américains se rallient de plus en plus à l'attitude hostile de leur leader à l'égard de la Chine. Quoi qu'il en soit, les effets des taxes à l'importation plus élevées qui commencent progressivement à se faire sentir au niveau des prix pratiqués par les magasins sont encore moins populaires. L'apparente concession faite par les États-Unis à la Chine est donc surtout dictée par la crainte des retombées domestiques. Une crainte qui est d'ailleurs fondée. Jusqu'ici, l'économie américaine ne souffre pas trop du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine. Les importateurs américains se sont en effet jusqu'à présent préservés des retombées en accélérant l'importation de leurs stocks. Les entrepôts bondés de la Côte Ouest sont là pour en témoigner. Les exportations chinoises à destination des États-Unis sont également en légère progression ces derniers mois (voir l'illustration). Les exportations chinoises se portent d'ailleurs bien sur nombre de marchés, notamment en Europe. Mais le protectionnisme américain finira par toucher en plein cœur sa propre économie en affectant la rentabilité des entreprises américaines et en les obligeant à des dégraissages et à des augmentations des prix.
Le conflit commercial a déclenché un cercle vicieux qui ne sera pas aisé à rompre. La bonne nouvelle d'hier est une goutte d'eau dans l'océan. L'euphorie qu'elle a engendrée ne tardera pas à s'effacer à la prochaine escalade. La confiance a en effet déserté la table des négociations. De plus, il est clair entretemps que les Chinois ont fermement l'intention de tenir tête aux États-Unis. Ils disposent de beaucoup plus de temps et ne sont notamment pas pressés par une échéance formée par des élections présidentielles, vu que Xi Jinping a été désigné à vie. Le conflit bilatéral devient aussi de plus en plus complexe. La menace d'une dépréciation du renminbi brandie par la Chine est susceptible de déchaîner une guerre des devises. Et de plus en plus, les émeutes de Hong Kong donnent l'impression d'être orchestrées par une influence étrangère, autrement dit américaine.
La tournure incertaine, mais surtout négative prise par les événements pourrait continuer à peser sur les marchés. De plus, les perspectives se détériorent pour les économies des deux pays. Les États-Unis se rapprochent clairement de la fin d'un cycle conjoncturel, tandis que la croissance chinoise subit la pression de la transition technologique. Somme toute, le conflit commercial entre les deux grandes puissances n'est qu'un facteur perturbateur additionnel. La volatilité est pour ainsi dire la seule certitude dont on dispose aujourd'hui, ce qui induit le risque que les évolutions négatives dépassent toujours en ampleur les développements positifs. Et en attendant, la fuite vers les valeurs refuges coûte de plus en plus cher.
Jan Van Hove, KBC Group Chief Economist