Fed rattrapée par la réalité du commerce
Mélangez un compte Twitter présidentiel à quelques Chinois têtus et vous obtenez un cocktail explosif qui a déjà causé à plusieurs reprises pas mal de volatilité sur les marchés financiers. Nous en avons encore eu la preuve hier. Le président américain, Donald Trump, a en effet surpris tout le monde en annonçant de nouveaux droits de douane sur les importations chinoises.
Trump a décidé de cibler les 300 milliards de dollars qui avaient été épargnés jusqu'ici. À partir du 1er septembre, les États-Unis prélèveront une taxe de 10% sur des produits importés qui, cette fois, toucheront directement le consommateur américain, comme par exemple des GSM, des laptops ou d'autres équipements électroniques. Cette décision était totalement inattendue et la Chine a déjà pris des mesures de rétorsion. Au sommet du G20 en fin juin, Trump et son collègue chinois Xi Jinping avaient pourtant conclu une nouvelle trêve. Ils avaient décidé de relancer les discussions commerciales et Trump avait promis de ne pas instaurer de nouveaux droits de douane. Le président américain est donc revenu sur sa promesse, sous prétexte que la Chine ne tenait pas non plus ses engagements. Le pays devait acheter d'importantes quantités de produits agricoles américains en signe de bonne volonté durant les négociations. Ce que les Chinois n'ont pas fait, selon Trump. La relance des négociations mercredi passé n'a en outre pas débouché sur grand chose. Trump, passablement énervé, estime que la Chine freine volontairement les discussions dans l'attente des élections présidentielles de 2020.
Cette nouvelle escalade réveille le spectre d'une récession mondiale. Le marché a donc réagi en conséquence. Le prix d'un baril de brut s'est replié d'environ 6%. Les taux américains ont perdu approximativement 20 points de base. Le taux à 10 est tombé sous le niveau de support de 2% et tourne actuellement autour de 1,85%, son niveau le plus bas depuis fin 2016! Le dollar a cédé une partie des gains qu'il avait engrangés grâce à la Fed. Le cours EUR/USD est passé de 1,10 à près de 1,11 et le cours USD/JPY, un important indicateur de risque, est repassé sous la barre de 107.
La Fed se trouve donc dans une situation pour le moins inconfortable. Le marché s'attendait depuis plusieurs semaines à ce que la banque centrale procède à un important assouplissement monétaire. Mercredi, son président, Jerome Powell, a néanmoins tenté de convaincre le marché du contraire. La banque a bien abaissé son taux directeur, mais elle a également précisé que cela ne marquerait pas le début d'une longue série. Ce message n'est toutefois pas passé et le marché n'a pas été convaincu.
La réalité a très rapidement rattrapé la Fed et, à peine deux jours plus tard, a donné raison au marché. Le rebondissement inattendu auquel nous avons assisté hier dans le conflit commercial incite en effet les investisseurs à tabler sur de nouvelles baisses de taux de la Fed. Le marché évalue ainsi désormais la probabilité d'une deuxième baisse en septembre à pratiquement 100%. Naturellement, il est toujours difficile, même pour une banque centrale, d'anticiper les changements d'humeur d'un président pour le moins imprévisible. La Fed est cependant aussi en partie responsable de cette réaction agressive du marché. Elle a en effet expliqué mercredi qu'elle accorderait davantage d'importance à l'évolution du contexte international et commercial pour sa future politique monétaire. On ne peut donc pas reprocher au marché d'anticiper un net assouplissement dans les circonstances actuelles.
À cet égard, le timing choisi par Trump a de quoi faire réfléchir. Cela fait longtemps que le président américain appelle Powell à abaisser (fortement) les taux. L'accent placé par la Fed sur le commerce ne lui aurait-il pas non plus échappé? Se sent-il couvert par Powell et les siens? Il s'agit d'un pari risqué, mais nous n'oserions pas l'exclure totalement.