Le doigt sur la gâchette
La Banque centrale européenne (BCE) s'est réunie hier, sous les yeux d'observateurs plus concentrés qu'à l'accoutumée. Lors de la réunion du juin, Mario Draghi avait déjà laissé entendre que la banque était prête à agir si la situation économique le nécessitait. À Sintra, il a confirmé que cela serait le cas si l'économie ne montrait pas rapidement des signes d'amélioration. Les données économiques parues depuis n'ont pas vraiment été dans ce sens. Comme en attestent encore l'indice PMI de confiance des entreprises et l'indicateur IFO allemand extrêmement décevants publiés cette semaine. Une grande partie du marché s'attendait donc déjà à du mouvement sur le plan monétaire en juillet. C'était visiblement un peu prématuré. Draghi a chargé son arme hier, a maintenu le doigt sur la gâchette, mais n'a pas (encore) appuyé sur la détente.
"Wake me up when September ends". Le titre de la chanson triste du groupe rock américain Green Day résume parfaitement la réunion de la BCE d'hier. La banque centrale a démarré fort avec son communiqué de politique. Le principal taux directeur est maintenu à -0,4%. La banque a en revanche modifié sa "forward guidance" et affirme désormais que les taux seront maintenus à leur niveau actuel, voire plus bas, au moins jusqu'au premier semestre de 2020. En clair, cela signifie que les taux devraient bientôt (septembre) être poussés davantage en négatif. Raison pour laquelle la banque examine actuellement aussi la possibilité de mettre en place un système permettant d’atténuer les effets secondaires des taux négatifs. La BCE pourrait également réactiver son programme d'achat, auquel elle avait mis un terme à la fin de l'année passée. Reste à peaufiner les détails d'une telle relance. Draghi et ses collègues (re)sortent donc toutes les munitions dont ils disposent. Pourquoi? Cela fait longtemps que la BCE ne parvient plus à atteindre son objectif d'inflation (proche de mais inférieur à 2%) et cela ne lui plaît pas du tout, dixit Draghi. Elle espère donc qu'une nouvelle injection monétaire pourrait aider. Pour la banque, l'inflation pourrait même sans problème dépasser les 2% pendant un certain temps, après les années de faiblesse qu'elle vient de connaître. Dans son communiqué, elle parle même de son engagement en faveur d'un objectif "symétrique". Dit autrement: la politique monétaire accommodante risque d'être maintenue pendant encore longtemps.
Après la publication du communiqué, la conférence de presse s'est déroulée dans une ambiance un peu plus morose. Draghi est revenu en détail sur le contexte économique et s'est dit surtout préoccupé par l'industrie manufacturière, sévèrement touchée par des facteurs internationaux. Le président estime néanmoins qu'il est peu probable que la zone euro tombe en récession. Notamment parce que l'économie intérieure (le secteur des services) se porte toujours relativement bien. Les journalistes, écrasés par la chaleur, n'ont évidemment pas manqué de poser des questions sur la relance du programme d'achat d'actifs. Sans toutefois parvenir à déstabiliser Draghi, qui ne souhaite pas encore dévoiler tout son jeu. Pour plus de détails, il faudra donc attendre septembre.
Le marché avait anticipé une BCE assez accommodante et est donc resté sur sa faim. Certains investisseurs s'attendaient déjà à des actes hier, et pas uniquement à des mots. Beaucoup d'entre eux ont également été déçus par l'absence de détails. Les mouvements de cours sur les marchés ont donc été à l'avenant. Les bourses sont passées des gains aux pertes. Les taux européens ont cessé de baisser (certains avaient touché de nouveaux planchers historiques) et ont même terminé en hausse. Le cours EUR/USD s'est approché du niveau de support crucial de 1,11, mais est ensuite reparti à la hausse. La réunion de la Fed prévue la semaine prochaine a également joué un rôle sur l'évolution de la paire de devises. La Fed va probablement abaisser ses taux, mais dans quelles proportions? Face à ces incertitudes, les investisseurs ne sont pas prêts à franchir d'importants niveaux techniques. Le chiffre du PIB américain (pour le deuxième trimestre) publié cet après-midi permettra peut-être d'y voir plus clair...