L’UE et le Mercosur tournent le dos au protectionnisme commercial
Malgré un contexte mondial marqué par la hausse du protectionnisme, l’UE et plusieurs pays latino-américains optent pour une autre stratégie : le libre-échange ! Après quelque 20 années de négociations, un accord commercial a été conclu la semaine dernière entre l’UE et le Mercosur – le bloc commercial qui comprend le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay.
L’accord prévoit la libéralisation de plus de 90 % du commerce de marchandises entre les blocs commerciaux sur une période de transition de 10 ans. Les principaux avantages pour les entreprises européennes se situent dans les secteurs automobile, de la construction mécanique, chimique et pharmaceutique, qui étaient jusqu’alors confrontés à des tarifs à l’importation élevés dans les pays du Mercosur. Pour les vêtements et les chaussures, l’interdiction d’importation a même été levée. La Commission européenne a calculé que l’économie sur les tarifs douaniers des entreprises européennes s’élèverait à quelque 4 milliards d’euros, soit quatre fois plus que l’économie estimée dans le cadre du récent accord commercial avec le Japon.
Réciproquement, les pays du Mercosur recevront un accès préférentiel au marché européen pour le bœuf, l’éthanol et le sucre. Les deux parties se sont également engagées à simplifier leurs procédures douanières et à collaborer plus étroitement dans le domaine des prescriptions et des normes techniques.
L’importance des échanges commerciaux avec les pays du Mercosur pour l’UE est relativement limitée. En 2018, la part d’importation et d’exportation avec la région s’élevait respectivement à 2,2 % et 2,3 % du total des importations et des exportations européennes. L’UE exporte principalement des machines et des accessoires, des produits chimiques et des moyens de transport au Mercosur. Dans le sens inverse, les flux commerciaux se composent surtout de produits agricoles. L’accord commercial pourra donc entraîner une augmentation des échanges commerciaux, mais n’aura probablement pas pour conséquence un regain spectaculaire de la croissance du PIB européen.
Cependant, il y a d’autres avantages. L’UE sera le premier grand partenaire commercial à conclure un accord commercial avec le bloc du Mercosur. Vu les importantes restrictions à l’importation que la région applique vis-à-vis d’autres pays, le Mercosur donnera par conséquent un relativement meilleur accès à son marché aux entreprises de l’UE. Dès lors, les entreprises européennes auront l’avantage du précurseur. En outre, les entreprises avec une filiale dans la région du Mercosur pourront plus facilement importer des pièces et d’autres intrants, ce qui améliorera leur compétitivité.
Les bénéfices de l’accord commercial ne sont donc pas négligeables. Toutefois, son approbation ou sa ratification ne sera pas une sinécure. Peu après la nouvelle, un torrent de critiques s’est ensuivi de la part de différents acteurs européens (des associations agricoles, des producteurs d’éthanol…). Et bien que la Commission européenne ait déjà annoncé des soutiens pour les agriculteurs touchés, des associations d’intérêts du secteur compliqueront sans aucun doute la ratification de l’accord au niveau des parlements nationaux. De plus, l’accord suscite la controverse du point de vue environnemental. L’on craint en effet que l’intensification de l’élevage de bétail dans les pays latino-américains n’augmente le déboisement de la forêt amazonienne. Il sera donc essentiel de trouver un bon équilibre entre les gagnants et les perdants.
Jill Van Goubergen, Économiste du groupe KBC