Nouvelle baisse des taux 'préventive' de la RBA!
La banque centrale australienne (RBA) a abaissé son taux directeur pour la deuxième fois consécutive, de 25 points de base à 1,0%, ce matin. Cette baisse n'a pas vraiment surpris et avait déjà en grande partie été intégrée par les marchés. Elle n'est reste pas moins singulière. Un signe des temps...
En lisant le communiqué de la RBA de ce matin, on se demande malgré tout si ce deuxième abaissement en l'espace d'un mois était réellement nécessaire. Pointons quelques constatations de la RBA. L'économie australienne se porte toujours assez bien. Comme partout dans le monde, les problèmes liés au commerce international impliquent des risques baissiers. La croissance rapportée pour le premier trimestre s'était révélée décevante (1,8% en glissement annuel), mais la RBA table sur un retour à la croissance tendancielle. Dans son dernier rapport de politique (mai), la RBA s'attendait à ce que la croissance s'établisse clairement au-dessus des 2,0% à la fin de cette année et l'année prochaine. L'inflation a été faible au premier trimestre (1,3% en glissement annuel), mais une reprise est déjà attendue pour le deuxième trimestre. En ce qui concerne le marché du travail, la RBA prend acte d'une forte croissance continue de l'emploi. Un 'rebond' (provisoire?) du taux de chômage à 5,2% et des hausses salariales continues, mais modérées, font cependant conclure à la RBA qu'il vaut mieux qu'elle mette les bouchées doubles afin d'activer les capacités surabondantes sur le marché du travail et l'économie dans son ensemble. Par ailleurs, le gouverneur Philip Lowe a récemment appelé le gouvernement à stimuler l'économie sur le plan fiscal, parce que la politique monétaire ne dispose pas de suffisamment de moyens que pour assumer seule cette tâche.
La RBA s'érige en 'locomotive' du groupe de plus en plus important des banquiers centraux qui estiment que la politique (monétaire) se doit d'être préventive afin d'éviter un nouveau ralentissement de la croissance et de ramener coûte que coûte l'inflation vers les 2%. La question reste néanmoins de savoir si cette politique est réellement efficace, surtout dans des conditions monétaires particulièrement souples et avec une économie qui tourne déjà plutôt bien. Cette politique a en outre aussi ses effets secondaires. Les ménages australiens sont fortement endettés, ce qui s'explique probablement en partie par une politique historiquement souple. Difficile donc pour la RBA que de relever ses taux. Puisque cela pèserait sur les dépenses des ménages. Après avoir fortement augmenté jusqu'en 2017, les prix de l'immobilier ont reculé l'année dernière. Si cette correction était vraisemblablement saine, elle a aussi porté atteinte à la situation de prospérité (valeur maison/dette) et, partant, à la confiance, des ménages. Bref, ici aussi, la banque centrale se heurte au moins en partie aux conséquences de la souplesse dont elle a fait preuve par le passé.
La réaction du marché a été étonnamment limitée ce matin. Les taux australiens, qui se situent à des niveaux historiquement bas (<1% pour les taux à 2 ans, 1,33% pour les taux à 10 ans), ont à peine reculé. Le dollar australien s'est même quelque peu renforcé depuis l'annonce de la décision. Le marché estime pour le moment qu'il y a 40% de chances qu'une nouvelle baisse des taux ait encore lieu d'ici la fin de l'année. Après avoir atteint un plancher le mois dernier, le dollar australien est récemment entré dans une période plus paisible. Le marché part apparemment du principe que la RBA a déjà épuisé une bonne partie de ses munitions monétaires, surtout par rapport à d'autres banques centrales (comme la Fed). Le gouvernement du Premier ministre Scott Morrison planche aussi sur un plan de mesures fiscales ambitieux (réduction d'impôts).
Nous sommes un peu plus neutres (moins négatifs) vis-à-vis du dollar australien. Lorsque le programme fiscal sera mis en place surtout, la RBA ne devra plus, à court et moyen termes, ouvrir la marche dans la course à l'assouplissement monétaire. Il se peut que le cours AUD/USD soit en train de se redresser et puisse même regagner du terrain par rapport à son équivalent américain, si la Fed décide d'assouplir substantiellement sa politique. La situation vis-à-vis de l'euro est plutôt neutre (scénario d'un dollar généralement moins fort à terme).