Entend-on sonner le glas de la “strong dollar policy”?
Ce matin, le coup d’envoi a enfin été donné: les dirigeants des 19 économies les plus importantes et de l’UE ont entamé le sommet du G20 à Osaka. Officiellement, une série de sujets majeurs au niveau mondial y seront abordés, comme le vieillissement démographique, les développements technologiques, le climat, etc. Dans les faits, une attention considérable sera consacrée à la perturbation du commerce international. L’administration Trump a sérieusement remis en question les principes du commerce mondial multilatéral. Le président Trump estime que des actions bilatérales à l’encontre de partenaires commerciaux individuels lui permettront de mieux exploiter la puissance des États-Unis. Il est dès lors symbolique que l’attention des marchés (et pas seulement celle des marchés) soit principalement attirée par un tête-à-tête prévu entre le président américain et son homologue chinois Xi Jinping, à la marge du grand forum multilatéral du G20.
Par le passé, les sommets du G20 ont souvent été l’occasion de grandes analyses (boursières) préalables; mais le lundi matin, le résultat n’avait guère de valeur, car le sommet aboutissait invariablement à une note consensuelle propre à satisfaire toutes les parties et présentant peu d’engagements concrets. Mais cette fois-ci, il est probable que cela se passe autrement. Quoi qu’il arrive, l’issue de la rencontre entre Xi et Trump sera déterminante pour le prochain épisode de la guerre commerciale sino-américaine. Dans un contexte instable et opaque, la question de savoir si et dans quelle mesure le G20 pourra apporter davantage de prévisibilité aux marchés demeure en suspens. Même si la rencontre entre Trump et Xi permettait de relancer les négociations, les investisseurs se demanderont toujours si les risques événementiels ont vraiment été écartés pour une plus longue période. En pleine campagne électorale, Trump continuera probablement à souffler le chaud et le froid. Il l’a d’ailleurs fait ce matin, en faisant preuve d’optimisme par rapport à la réunion du lendemain sans pour autant exclure des sanctions supplémentaires.
Sur les marchés, le risque événementiel permanent a engendré un curieux mélange d’inertie et de stabilité. Les bourses américaines en sont un bon exemple. Que les nouvelles soient positives ou négatives, les investisseurs s’abstiennent de réviser leurs positions en profondeur et donc de lancer une tendance plus importante. Après tout, qui peut prédire d’où soufflera le vent le lendemain? L’omniprésence du risque événementiel peut aussi inciter à penser qu’il vaut mieux avoir des banquiers centraux trop accommodants que trop restrictifs.
Le moment serait mal choisi pour les banques centrales d’accroître le risque événementiel (négatif). Dans ce contexte, l’idée d’un abaissement des taux ou d’un assouplissement préventif n’est pas si absurde: de fait, le chaos commercial peut maintenir la pression sur les banques centrales et les inciter à persévérer dans une politique accommodante, soutenant par la même occasion les actifs à risques. C’est ainsi que de mauvaises nouvelles (le risque événementiel) peuvent malgré tout avoir du bon pour les marchés. Quoi qu’il advienne, il y a de fortes chances pour que ce mécanisme continue à produire ses effets après le week-end.
En ce qui concerne le marché des changes (le dollar), nous restons à l’affût des évolutions. Récemment, Trump a saisi plusieurs occasions de déclarer que selon lui, plusieurs pays maintiennent artificiellement une devise faible vis-à-vis du dollar. Les États-Unis disposent d’un cadre formel pour vérifier si des pays manipulent leur monnaie. À ce stade, personne n’en a encore été formellement accusé; mais plusieurs pays sont sur la liste de surveillance et les critères pourraient être rendus plus sévères. Si les États-Unis veulent faire monter la pression à ce niveau, le G20 est le forum idéal. Là encore, tout est question de mesure. Si les États-Unis ont l’intention de saper encore davantage la “strong dollar policy” classique, le marché pourra se montrer réceptif à ce thème et augmenter à terme la pression sur le dollar.