SNB vs CHF?
La banque centrale suisse (SNB) n'a rien modifié à sa politique monétaire ce matin. Depuis le début de 2015, le taux de dépôt s'élève à -0,75%. À l'instar de la Banque centrale européenne (BCE), la SNB poursuit un objectif d'inflation de 2%. Mais tout comme dans la zone euro, l'inflation en Suisse demeure obstinément faible, malgré une politique monétaire extrêmement accommodante. Cette faiblesse est due à des facteurs structurels, mais également à la vigueur de la monnaie. La banque centrale table sur une augmentation du niveau général des prix de 0,6% cette année, 0,7% l'année prochaine et 1,1% en 2021. En outre, les risques pesant sur ce scénario sont principalement baissiers. Dans ses prévisions, la SNB tient clairement compte d'un taux directeur inchangé pendant toute la période. L'économie suisse est quasiment tombée au point mort au second semestre de 2018, mais elle a repris des couleurs au premier trimestre de cette année. La SNB prévoit un taux de croissance de 1,5% pour cette année. Avec, de nouveau, des risques principalement baissiers, en raison des tensions commerciales internationales.
La SNB a donné quelques commentaires sur le franc suisse. Pondéré des échanges commerciaux, celui-ci s'est apprécié davantage que prévu depuis la dernière réunion de politique de mars. Dans un cadre plus large, la banque centrale estime que la monnaie reste très surévaluée. Ce n'est un secret pour personne, la SNB est toujours active sur le marché des changes et continue d'intervenir (oralement ou autrement) afin d'éviter un nouveau renforcement indésirable du CHF. Outre le maintien d'un taux directeur extrêmement bas, il s'agit également d'une manière de maintenir une politique monétaire souple. L'année passée, le cours EUR/CHF de 1,1150/1,12 a souvent été cité comme un cap important dans les couloirs de l'institution. Naturellement, les interventions de la banque ne sont pas comparables à celles qui avaient été réalisées entre 2011 et début 2015 lorsque la banque avait fixé un plancher de 1,20 pour la paire de devises.
La volonté (tacite) de la SNB d'affaiblir sa monnaie pourrait encore être mise à l'épreuve ces prochaines semaines ou prochains mois. Plusieurs évolutions récentes jouent en effet à l'avantage du franc suisse et au détriment de l'euro. Avec son important excédent de financement, la Suisse est considérée comme un refuge en période d'aversion généralisée pour le risque. Comme le yen japonais, qui est un autre exemple typique de valeur refuge sur le marché des changes. Lorsque le contexte international est incertain, ces devises disposent donc d'un sérieux pouvoir d'attraction. Un deuxième facteur, probablement encore plus important, réside dans l'écart qui sépare les politiques monétaires de la BCE et de la SNB. Jusqu'il y a peu, le marché partait encore du principe que la BCE allait commencer à normaliser (prudemment) sa politique avant la SNB. Mais les cartes ont été redistribuées la semaine passée, lorsque le président de la BCE, Mario Draghi, a ouvert la porte à un possible nouvel assouplissement. La banque centrale européenne pourrait ainsi bétonner pour encore plus longtemps ses taux directeurs, procéder à de nouvelles baisses de taux ou relancer son programme d'achats d'actifs. Dans ce contexte, il sera vraisemblablement difficile pour le franc suisse de NE PAS s'apprécier vis-à-vis de l'euro. La SNB devra donc réagir verbalement ou via des interventions (limitées) pour éviter une rupture du cours EUR/CH sous le niveau de 1,1150/1,12.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC