Les marchés des taux tirent la sonnette d'alarme
Le mois de mai passe pour le mois de la floraison, mais pas s'il faut compter sur le président Trump… Les négociations commerciales avec la Chine manquent soit d'ensoleillement, soit d'eau, mais force est d'admettre que depuis le début du mois, la relation entre les deux grandes puissances dépérit à vue d'œil. Et les dernières dépêches ne laissent pas présager un long week-end baigné de soleil. Au lieu de cela, les nuages noirs s'amoncellent. Quant aux marchés, ils ont de toute évidence déjà tiré leurs conclusions.
Début mai, Donald Trump a en quelques tweets sonné le glas de la trêve que les deux blocs commerciaux avaient négociée à la fin de l'année dernière en marge du sommet du G-20 qui se tenait à Buenos Aires. Il lui a suffi pour ce faire de promettre une augmentation des taxes existantes sur les importations de biens chinois et l'introduction de nouvelles taxes. Il n'en a pas fallu davantage pour mettre le feu aux poudres et susciter des mesures de représailles de la part de la Chine. Et comme la Chine importe nettement moins en provenance des États-Unis que les États-Unis en provenance de la Chine, cette dernière s'est mise en devoir d'imaginer des mesures qualitatives plus ciblées. Elle a ainsi fait savoir hier qu'elle envisageait sérieusement de limiter les exportations de matières premières rares à destination des États-Unis. Les "terres rares" sont un groupe de 17 métaux qui sont utilisés dans un large éventail de processus de production hautement technologiques comme le magnétisme et certaines applications électroniques. Ce faisant, la Chine semble toucher une corde sensible vu que pas moins de 80% des importations américaines de "terres rares" proviennent de Chine.
Reste à voir si les États-Unis vont eux aussi élargir leur horizon. Cette nuit, le ministère des finances américain a déjà levé un coin du voile en publiant son rapport semestriel dans lequel il suit les pays qui exercent potentiellement une influence sur leur devise dans le but d'améliorer leur compétitivité. Jusqu'ici, aucun des pays figurant sur la liste de surveillance (dont le Japon, l'Allemagne et surtout la Chine) n'a encore été affublé de l'étiquette de "currency manipulator". Par contre, un élargissement des critères d'examen s'est soldé par l'ajout à la liste de pays comme l'Italie et l'Irlande. Non qu'il y ait de grandes conclusions à en tirer, mais le fait est que cela cadre parfaitement dans les efforts déployés par Donald Trump pour prendre de l'ascendant sur le marché des changes. Pas plus tard que la semaine dernière, le président américain a reporté l'attention sur les devises étrangères en proposant de taxer les biens provenant de pays dont la devise est sous-évaluée.
Tant la Chine que les États-Unis étoffent donc leur arsenal. Les investisseurs s'en inquiètent, et cela s'exprime surtout sur les marchés des taux. Depuis le début du mois de mai, les taux semblent être en chute libre. Le taux allemand à 10 ans s'enfonce encore davantage en terrain négatif (-0,16%) et se rapproche rapidement de son niveau le plus bas de tous les temps, à savoir -0,205%. Aux États-Unis, on s'attend de plus en plus à ce que la Fed doive abaisser les taux, et ce à plusieurs reprises. Cette perspective a notamment fait évoluer le taux américain à 2 ans en direction du cap psychologique crucial de 2%. Le taux à 10 ans franchit pour sa part des niveaux techniques. Le différentiel entre les taux à 10 ans et à 3 mois s'est inversé depuis la fin décembre — dans une perspective historique, une inversion suggère l'imminence d'une récession économique — et poursuit sa descente en direction des niveaux d'avant la crise financière de 2008.