L'ambiance reste orageuse
Les États-Unis ont mis leur menace à exécution vendredi. Une signature a suffi à porter de 10% à 25% les taxes à l'importation existantes sur les biens chinois. Les dernières négociations en date avec le principal délégué chinois, le vice-premier ministre Liu Hu, se sont soldées par un échec. Le président Trump en tient la Chine pour responsable, l'accusant de "manœuvres dilatoires". Pour notre part, nous nous demandons si ce n'est pas plutôt l'inverse. Faut-il en effet rappeler la fameuse échéance de novembre 2020?
De plus, le gouvernement américain publiera selon toute vraisemblance aujourd'hui une liste de biens chinois (d'une valeur de 300 milliards de dollars) qui ne font pas encore l'objet de barrières douanières. Si aucun accord n'est conclu d'ici là, du changement interviendra à cet égard dans un mois. La Chine a déjà proposé de poursuivre les négociations à Pékin, mais les États-Unis se refusent jusqu'ici à saisir cette perche. Le conseiller économique Lawrence Kudlow prône une entrevue entre Donald Trump et le président chinois Xi Jinping en marge du sommet du G-20 qui se tiendra au Japon à la fin juin. Une suspension des négociations jusque là impliquera de facto l'introduction de nouvelles taxes à l'importation. Tout le monde guette à présent la réaction de la Chine. Dans le passé, le pays a par exemple menacé de mettre un frein, voire carrément un terme, à l'accumulation de réserves en devises étrangères revêtant la forme d'obligations d'État américaines. D'où la question: qui financera les déficits américains de plus en plus importants — car les incitants fiscaux ont un coût — si le principal acheteur d'emprunts d'État américains resserre les cordons de la bourse?
Outre la réaction de la Chine, l'offensive lancée par Donald Trump induit un autre grand risque. À l'issue d'une enquête auprès des entrepreneurs, le gouverneur régional de la Fed d'Atlanta, Raphael Bostic, a indiqué que les taxes à l'importation introduites précédemment n'ont jusqu'ici pas encore été répercutées sur le consommateur final. Cette situation pourrait à présent changer, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer. Or, la combinaison d'une croissance en déclin et d'une inflation en hausse est le cocktail que la banque centrale américaine redoute le plus. Cette semaine, de nombreux gouverneurs de la Fed prononceront des discours. D'autres allusions en ce sens ne passeront assurément pas inaperçues.
Depuis la semaine dernière, les relations commerciales de plus en plus tendues tiennent le marché sous leur emprise. Jusqu'au week-end dernier, tout le monde partait du principe qu'un accord était imminent. Les bourses américaines ont reculé d'un cran par rapport à leurs cours record. L'Europe et l'Asie ont suivi le mouvement bon gré mal gré. Depuis la fin du premier trimestre, les taux d'intérêt américains et allemands sont à nouveau en proie à une tendance baissière. En l'absence de statistiques ou événements vraiment cruciaux, cette ambiance orageuse pourrait persister cette semaine. Une aggravation du conflit commercial est bien la dernière chose dont l'économie mondiale ait besoin pour l'instant vu sa fragilité. Le marché des changes reste jusqu'ici relativement paisible. Le dollar n'est pas encore parvenu à profiter de l'aversion au risque. Le différentiel EUR/USD s'est même prudemment hissé au-delà de la barre de 1,12. Nous pensons cependant qu'il sera difficile pour l'euro d'engranger davantage de gains à court terme dans le contexte actuel.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC