La flambée du dollar est-elle de mauvais augure?
Le roi dollar s'est montré particulièrement dominateur cette semaine. Plusieurs niveaux techniques importants ont en effet été franchis ces derniers jours: la zone de résistance de 98 pour le dollar pondéré des échanges commerciaux et les niveaux de support de 11187/77 pour la paire EUR/USD. Si cette dernière rupture se confirme après la publication des chiffres du PIB américain pour le premier le trimestre, le prochain cap important se situe à 1,0850.
La hausse du dollar mérite particulièrement d'être soulignée, car elle ne s'explique par aucun nouveau chiffre économique, ni par aucune nouvelle déclaration de la part de l'un ou l'autre membre d'une banque centrale. En outre, plusieurs corrélations traditionnelles se voient aujourd'hui remises en question. Pour commencer, les taux américains diminuent plus fortement que, par exemple, dans la zone euro, y compris sur la partie courte de la courbe. Le différentiel de taux absolu joue naturellement toujours en faveur du dollar, mais les mouvements relatifs ne sont pas à son avantage. Cela fait en effet quelque temps que le marché des taux table sur le fait que la banque centrale américaine va procéder à des baisses de taux afin de mettre son économie intérieure à l'abri du ralentissement global. À la fin des années 1990, la Fed était parvenue à réaliser un tel exploit malgré la crise en Russie, l'effondrement des marchés asiatiques émergents et l'implosion du fonds spéculatif LTCM. La probabilité d'une baisse de taux par la Réserve fédérale à la fin de cette année est désormais évaluée à plus de 50%. Mais le billet vert se porte donc toujours bien, malgré ce manque de soutien des taux.
La deuxième corrélation qui a du plomb dans l'aile est celle entre le dollar et le prix du pétrole. Traditionnellement, l'or noir, dont le cours est libellé en dollars US, est inversement corrélé au billet vert. Or, la semaine passée, le cours du baril de Brent est passé de 72 à 75 dollars, son niveau le plus élevé depuis octobre dernier. Depuis le début de l'année, le cours du baril a grimpé de 20 dollars. La corrélation entre les marchés des taux et le marché pétrolier, généralement positive, n'est également plus à l'ordre du jour. Cela laisse à penser que la hausse du cours de l'or noir est davantage due à un choc négatif de l'offre (renforcement des sanctions américaines à l'encontre de l'Iran; conflit en Libye) qu'à un choc positif de la demande (reprise de la croissance).
Comme le yen japonais a également le vent en poupe (cours USD/JPY au niveau de résistance de 112), l'explication de cette hausse du dollar est peut-être à chercher au niveau de la croissance mondiale. À l'instar des investisseurs obligataires, les investisseurs en devises commencent aussi doucement à se tourner vers des valeurs refuges. Par conséquent, les monnaies plus risquées de pays émergents comme le Brésil ou l'Afrique du Sud ont pour la première fois de nouveau connu une semaine très difficile.
Le seul marché qui continue provisoirement (et à son corps défendant?) à bien performer est celui des actions. En particulier aux États-Unis. Tant le S&P 500 que l'indice technologique Nasdaq ont enregistré des cours de clôture records la semaine passée. De plus, la volatilité est historiquement basse sur les marchés. Étant donné les signaux que les autres marchés envoient, la prudence est probablement de mise. Dollar fort et bourses US fortes sont en outre difficilement compatibles...