L'or noir franchit des niveaux techniques sous la pression des États-Unis
Il y a deux semaines, nous avions évoqué la stagnation des prix pétroliers. Le baril de Brent évoluait alors autour de 72 dollars depuis plusieurs jours. Une pause qui pouvait se justifier tant d'un point de vue technique (résistance autour du "retracement" de 62%) que d'un point de vue fondamental. L'or noir s'échangeait à des niveaux neutres en termes de croissance, entre les 85 dollars du début du mois d'octobre de l'année passée et le plancher de près de 50 dollars de fin décembre. Les premiers résultats d'entreprises et les chiffres économiques publiés depuis n'ont pas permis au cours d'afficher une véritable tendance. Pour cela, il aura fallu attendre que les Américains s'en mêlent.
L'année passée, les États-Unis avaient lancé un boycott partiel du pétrole iranien, après être sortis de l'accord sur le nucléaire. Le pays avait décidé de sanctionner tous les pays qui importaient du pétrole iranien, tout en prévoyant des exemptions pour huit grands importateurs (parmi lesquels la Chine, l'Inde et la Corée du Sud). Ce "geste" s'expliquait par la crainte de voir les cours flamber en cas de fermeture totale des robinets iraniens. Ces exemptions, valables pour une durée de six mois, expireront le 2 mai. Et hier, le ministre des Affaires étrangères américain, Mike Pompeo, a annoncé qu'elles ne seraient pas prolongées. Le boycott du pétrole iranien est donc maintenant total. Les États-Unis mettent ainsi la pression sur l'Iran en frappant là où ça fait mal. En privant le pays de ses rentrées financières, les États-Unis veulent empêcher l'Iran de développer son prétendu programme nucléaire. La réponse iranienne n'aura pas tardé. Le pays a en effet menacé de bloquer le détroit d'Ormuz, situé au sud de l'Iran et au nord des Émirats arabes unis, par lequel transite un grande partie du brut mondial et qui est également utilisé par l'Arabie saoudite. Les conséquences pourraient donc être lourdes. Les États-Unis comptent néanmoins toujours sur leur allié arabe pour combler le vide laissé par l'Iran.
Les principaux producteurs de pétrole (OPEP+) se rencontrent chaque mois. L'année passée, ces derniers s'étaient entendus sur une réduction de production qui devait permettre de soutenir le cours du brut après la forte chute du baril enregistrée au dernier trimestre de 2018. Cette réduction restera en principe d'application jusqu'en juin 2019. À ce moment-là, les pays de l'organisation et leurs alliés qui forment le groupe de l'OPEP+ auront le choix entre maintenir les restrictions et rouvrir complètement les vannes. En théorie, en combinant l'ensemble des capacités de production non utilisées, le vide laissé par l'Iran devrait être largement comblé. Les États-Unis, qui sont entre-temps devenus le premier producteur mondial, pourraient en principe aussi augmenter leur production.
Mais le marché ne semble pas vraiment convaincu. Le cours du Brent a ainsi bondi de 3% après l'annonce de la décision américaine et la hausse se poursuit aujourd'hui (74,50 dollars). Le niveau de résistance de 72 dollars est donc provisoirement rompu, mais nous mettons en garde contre toute conclusion hâtive. À court terme, l'or noir profitera peut-être (de la crainte) d'un choc de l'offre. De même, un sentiment plus positif (la saison des résultats tournera à plein régime cette semaine) pourrait aussi pousser le cours vers le prochain niveau de résistance important de 76 dollars le baril. Mais, à plus long terme, nous continuons de tabler sur un recul des prix pétroliers, en raison de la hausse attendue de l'offre (États-Unis, OPEP+) sur fond de ralentissement de l'économie mondiale.