Nouvelle escalade des tensions commerciales entre l'UE et les États-Unis
Pour le représentant américain au commerce, Robert Lighthizer, la coupe est pleine. Hier, il a, du moins provisoirement, déplacé son viseur de la Chine vers l'UE. De nombreuses marchandises européennes (pour une valeur de plus de 11 milliards de dollars) pourraient ainsi faire l'objet de nouveaux droits de douane. Si la décision finale reviendra au président américain, Donald Trump, il est probable que le gouvernement US attendra pour une fois le feu vert de l'Organisation mondiale du commerce.
La menace de Lighthizer peut paraître surprenante de prime abord, mais elle ne l'est pas sur le fond. Cette nouvelle escalade tire son origine du conflit qui oppose les avionneurs Boeing et Airbus. En 2004, Boeing avait déjà accusé l'Europe et Airbus de fausser la concurrence. Grâce à une aide financière non négligeable, les autorités européennes avaient aidé Airbus à lancer, entre autres, ses A380 et A350. L'Europe avait alors riposté en déposant une plainte similaire. L'Organisation du commerce mondial avait une première fois donné raison tant à Boeing (et aux États-Unis) qu'à Airbus (et à l'Europe) en 2011 et 2012. Les deux constructeurs avaient profité d'une aide financière non autorisée et des mesures correctives avaient été prises. Constatant que les Européens ne respectaient pas ces mesures, les Américains avaient alors déposé une nouvelle plainte. Et l'Europe avait une nouvelle fois contre-attaqué. Un prêté pour un rendu... En mai de l'année passée, l'OMC est arrivée à la conclusion que l'Airbus européen bénéficiait encore de subsides. En revanche, en fin mars, l'organisation a estimé que Boeing et les États-Unis respectaient, à une exception près, toutes les mesures imposées. Dans ces conditions, les Américains ont donc décidé de s'attaquer à l'UE dans d'autres domaines. Parmi les produits qui pourraient faire l'objet de nouveaux droits de douane, citons notamment le fromage, le vin ou les hélicoptères.
Cette menace constitue une étape de plus dans le conflit commercial qui oppose les deux continents. Ce sont les Américains qui avaient démarré les hostilités l'année passée, en instaurant de nouvelles taxes sur l'acier et l'aluminium européens. L'UE avait alors réagi avec des contre-mesures ciblant l'acier, mais aussi toute une série d'autres produits (cartes à jouer, moteurs...). En été, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président américain, Donald Trump, s'étaient finalement entendus et avaient conclu un cessez-le-feu provisoire. Depuis, le département américain du Commerce a rédigé un rapport sur les importations de véhicules européens aux États-Unis. La principale question est ici de savoir si ces importations constituent une menace pour le marché américain et la sécurité nationale. C'est sur la base de ce rapport que Trump décidera d'éventuels nouveaux droits de douane en fin mai. Si la menace est avérée, il est peu probable qu'il attende l'avis de l'OMC pour agir.
Les marchés ont aujourd'hui à peine réagi à cette annonce, même si celle-ci fait planer un risque considérable sur une économie européenne déjà fébrile. Les bourses européennes ont démarré la séance en légère baisse, mais elles ont depuis déjà rattrapé leur retard. Le cours EUR/USD se maintient quant à lui dans la zone de 1,12. En Allemagne, le taux à 10 ans est retombé en territoire négatif. Peut-être les investisseurs se basent-ils sur la manière dont les événements se sont succédé dans le conflit commercial avec la Chine. Après de sérieuses offensives, les deux parties se sont lancées dans un long round d'observation. S'en sont ensuite suivies des rumeurs de progrès, d'ambiance constructive et d'avancées dans toutes sortes de domaines... Cela a surtout joué en faveur des bourses, même si, au final, personne ne sortira gagnant de ce conflit. Les États-Unis et la Chine estiment aujourd'hui qu'ils pourraient avoir trouvé un accord commercial au milieu du mois de mai. Les événements récents laissent supposer que les Américains pourraient alors rapidement diriger leur viseur sur l'Europe.