Les "ayes" l'emportent
“The ayes have it”. Vous avez bien lu! Hier soir, le président du parlement britannique, John Bercow, n'a pas sorti la rengaine “the noes have it” à laquelle nous nous étions habitués depuis le début des débats sur le Brexit. La Chambre des Communes a approuvé à une très courte majorité (312-311) une motion visant à débattre d'une proposition de loi destinée à empêcher une sortie sans accord ainsi qu'une proposition de la députée travailliste Yvette Cooper (315-310) visant à forcer la Première ministre Theresa May à demander à l'Europe un nouveau report de la date du Brexit.
Les parlementaires britanniques n'ont pas chômé depuis notre dernier point sur le Brexit du 26 mars. Pour commencer, ils ont, pour la troisième fois d'affilée, rejeté l'accord négocié par May à la fin de la semaine passée, les "non" l'ayant emporté avec un écart de 60 voix, contre 230 lors du premier vote en janvier et 149 lors du deuxième vote en février. L'approche de la date butoir incite de plus en plus de députés à mettre de l'eau dans leur vin. Plutôt un accord faible, que pas d'accord du tout. En outre, la chambre basse a, à deux reprises, pris la main sur l'agenda législatif pour pouvoir se prononcer sur des scénarios alternatifs allant d'un Brexit relativement dur avec un accord de libre-échange à une sortie beaucoup plus douce avec maintien de l'accès au marché unique européen. Par deux fois, aucune des propositions soumises n'est parvenue à obtenir une majorité des voix. En attendant, l'échéance du 12 avril s'approche à grands pas. May a obtenu de l'Europe jusqu'à vendredi prochain pour pouvoir trouver un accord qui permettrait d'acter le divorce le 22 mai, veille des élections européennes. Face à l'impasse dans laquelle se trouvent les discussions sur la scène intérieure, May a décidé de rencontrer le chef du parti d'opposition travailliste, Jeremy Corbyn. Depuis hier, les deux dirigeants discutent d'une proposition qui serait susceptible d'obtenir le soutien des membres des deux partis. Cette manœuvre inattendue de la Première ministre n'a naturellement pas été bien accueillie au sein de son propre parti, exposant une nouvelle fois au grand jour les profondes dissensions qui rongent les conservateurs.
Reste maintenant à savoir comment les choses vont évoluer. Dans le "meilleur" des cas, May et Corbyn parviendront à un compromis qui obtiendra une majorité des voix au Parlement avant le 12 avril. Si tel n'est pas le cas, la Première ministre se trouve, après le votre d'hier, à la merci de la bonne volonté des dirigeants européens. Un nouveau léger report, la piste privilégiée par les Britanniques, sera vraisemblablement exclu. La réserve de patience de l'UE est désormais épuisée. Un report plus long, avec une participation des Britanniques aux élections européennes, est aujourd'hui le scénario qui semble prendre le dessus. Ensuite, toutes les options seront de nouveau ouvertes, d'un nouveau référendum à une révocation de l'Article 50, en passant par de nouvelles élections ou un nouvel accord.
Depuis plus d'un mois, la livre sterling oscille entre 0,85 et 0,87. Une sorte de lassitude semble donc s'être installée. Le manque de réaction après le vote d'hier visant à empêcher une sortie sans accord montre que les marchés tenaient déjà compte de ce scénario. Si la catastrophe parvient effectivement à être évitée après le 12 avril, le potentiel de hausse de la monnaie britannique sera donc probablement limité. Au fil du temps, les prises de bénéfices pourraient de nouveau amener le cours EUR/GBP dans son habituelle fourchette de fluctuation située grosso modo entre 0,87 et 0,90. Si l'UE refuse un nouveau report et ferme la porte après le 12 avril, beaucoup d'investisseurs risquent alors d'être pris de court. Dans ce cas, nous pensons que la paire EUR/GBP pourraient renouer avec ses sommets cycliques autour de 0,95.