La longueur d'avance de la croissance flamande masque un problème de productivité.
Après le quasi-comblement des écarts de croissance régionaux en Belgique en 2000-2009, l'économie flamande a une nouvelle fois affiché une croissance nettement plus rapide que la Wallonie et Bruxelles pendant et après la crise financière (2008-2018). Au cours de cette décennie, la croissance de l'emploi et de la productivité était, en moyenne, beaucoup plus élevée en Flandre qu'en Wallonie et à Bruxelles. Depuis 2008, la Flandre a également connu en moyenne une croissance plus vigoureuse que la zone euro, et cela grâce uniquement à la progression nettement plus forte de l'emploi. En revanche, la croissance de la productivité a ralenti plus fortement en Flandre que dans la zone euro et constitue donc une source d'inquiétude majeure. Le phénomène est encore plus marqué en Wallonie et à Bruxelles, où la croissance de la productivité est (quasiment) tombée à l'arrêt en 2009-2018.
Sur la période 2008-2018, le produit régional brut a augmenté en moyenne de 1,3% par an en termes réels en Flandre, contre respectivement 0,7% et 0,6% en Wallonie et à Bruxelles. Après le quasi-comblement des écarts de croissance régionaux en Belgique en 2000-2008, la Flandre a ainsi repris sa longueur d'avance d'après-guerre systématique sur les deux autres régions en matière de croissance (figure 1). Il n'a donc pas été question de convergence des trois économies régionales. Les performances relativement supérieures de la Flandre se sont manifestées tout au long de la période 2008-2018. La Flandre a moins souffert de la Grande Récession de 2009 et a ensuite connu une reprise plus vigoureuse. Elle a par ailleurs aligné une modeste croissance pendant la crise de la dette souveraine européenne au début de la décennie, tandis que la Wallonie et Bruxelles ont plongé dans une nouvelle récession. Enfin, le redressement amorcé en 2013 a été plus marqué en Flandre (figure 2).
Force est de constater que la Flandre a dégagé de meilleures performances pendant les deux crises consécutives (la Grande Récession et la crise de la dette européenne), alors qu'en tant qu'économie plus ouverte, elle était censée être relativement plus sensible au revirement conjoncturel international observé à l'époque. Les chiffres de croissance régionaux 2018 récemment publiés par l'Institut des Comptes Nationaux (ICN) sont également frappants (les données de 2019 n'étant pas encore disponibles). L'économie flamande était censée pâtir davantage que ses consoeurs wallonne et bruxelloise du ralentissement conjoncturel observé à l'échelle internationale et, en particulier, en Europe. La Flandre est malgré tout parvenue à aligner une croissance (1,7%) plus forte que la Wallonie (1,3%) et Bruxelles (1,0%), principalement grâce aux secteurs des services. L'industrie flamande a en revanche vu sa valeur ajoutée diminuer en 2018, en phase avec le repli international, contre une légère augmentation en Wallonie.
La croissance de la productivité est une préoccupation majeure.
Pour faire simple, on peut dire que la croissance économique correspond à la somme de la croissance de l'emploi et de la croissance de la productivité. La croissance plus faible enregistrée depuis 2008 par la Wallonie et Bruxelles par rapport à la Flandre s'explique une croissance moindre de l'emploi et de la productivité (figures 3 et 4). La croissance de la productivité est quasiment tombée à l'arrêt dans les deux régions. Elle a reculé en Flandre, mais est en moyenne restée positive sur la récente période considérée. La Flandre fait pourtant moins bien que la zone euro à ce niveau. Le fait que la Flandre ait en moyenne surpassé la zone euro en matière de croissance économique s'explique donc uniquement par la croissance nettement plus forte de l'emploi en termes relatifs.
Compte tenu de la pression baissière exercée par l'évolution démographique sur le potentiel de main-d'œuvre dans les années à venir, nous pourrons de moins en moins compter sur la croissance de l'emploi pour tirer la croissance du PIB à l'avenir. En Flandre, les créations d'emplois sont déjà freinées par une pénurie sans précédent sur le marché du travail. Afin de soutenir la future croissance potentielle de l'emploi, les politiques devraient donc miser sur l'activation de la réserve de main-d'œuvre restante.
Mais cela ne sera pas suffisant. Le gouvernement a également pour mission de créer un environnement destiné à favoriser l'innovation et l'efficacité des entreprises, afin de redresser la croissance de la productivité. Cela vaut non seulement pour la Flandre, mais plus encore pour les deux autres régions. Les mesures permettant d'atteindre cet objectif sont très diverses et sont proposées depuis longtemps par des organismes tels que la BNB et l'OCDE. Elles incluent notamment la stimulation de l'esprit d'entreprise et de la concurrence, la réduction des réglementations strictes dans les secteurs des services, le partage des connaissances et une meilleure diffusion des technologies, l'introduction de meilleures pratiques de gestion, des investissements dans une infrastructure de qualité et un système d'enseignement performant, le renforcement d'une culture de l'apprentissage continu,... Il y a donc du pain sur la planche!