Le rapport américain sur l'emploi donne des ailes à l'USD et aux taux d'intérêt
La seule constante est le changement. Cet adage s'applique à coup sûr aux marchés. Et pourtant, nous osons classer le rapport américain sur l'emploi parmi les "constantes". Les "payrolls" publiés vendredi dernier ont marqué d'une note positive le début du mois de novembre, comme souvent ces dernières années. Les analystes commencent à être à court d'adjectifs pour décrire les prestations exceptionnelles du marché du travail américain. Pour octobre, nous nous en tiendrons donc à un laconique mais non moins révélateur "particulièrement vigoureux".
Pas moins de 250 000 nouveaux emplois ont été créés en octobre aux États-Unis. C'est nettement plus que prévu (200 000), et bien plus aussi que la moyenne pluriannuelle de 200 000. L'honnêteté nous force à admettre que le point de départ était plutôt bas. La création d'emploi de septembre a été revue à la baisse à seulement 118 000 unités, et il faut y voir une retombée de la saison des ouragans. Le chômage est resté stable à 3,7% mais s'accompagne d'un taux de participation en hausse (de 62,7% à 62,9%). Autrement dit, les nouveaux venus sur le marché de l'emploi trouvent du travail immédiatement. Il se pourrait que de plus en plus d'Américains se laissent tenter par la pression à la hausse sur les salaires. En octobre, les salaires ont augmenté de 3,1% en glissement annuel, atteignant un nouveau sommet cyclique (après la progression de 2,9% signée en août). Une petite nuance cependant, de nature statistique: l'évolution vigoureuse en base annuelle est principalement à attribuer à la faiblesse de la croissance salariale en octobre 2017, car en glissement mensuel, les salaires n'ont gonflé que de 0,2% en octobre 2018. Mais ne vous y trompez pas: la croissance salariale a bel et bien le vent en poupe.
Cet excellent rapport sur l'emploi est en marge de l'indice ISM reflétant la confiance des entrepreneurs (qui sera publié aujourd'hui) le dernier critère important que la Fed prendra en compte pour son avant-dernière réunion de politique de 2018, qui se tiendra ce jeudi. Jusqu'il y a peu, le marché se ralliait plutôt à contrecœur aux intentions de la Fed en matière de taux d'intérêt. Depuis septembre, cependant, les investisseurs ont propulsé notamment le taux à 2 ans en direction de nouveaux sommets cycliques. Il est probable que les "payrolls" vont conforter la banque centrale dans ses intentions à l'égard des taux d'intérêt. Le marché l'a bien compris et estime depuis cette publication à un peu plus de 75% (venant de 71%) la probabilité d'un relèvement des taux d'intérêt aux alentours de Noël. Après avoir récemment accusé un recul sous l'effet de l'aversion au risque généralisée (aux États-Unis), le taux américain à 2 ans a un instant renoué vendredi avec son pic cyclique de 2,91%. Il s'est finalement établi juste au-dessous de ce seuil à la clôture.
Sur le marché des changes, le dollar a profité de ce soutien additionnel de la part des taux d'intérêt. La publication du rapport a mis vendredi un terme au rétablissement du différentiel EUR/USD. La parité avait amorcé jeudi dernier une remontée (technique) après avoir testé son niveau le plus bas de 2018 (1,1301). La progression abruptement interrompue de l'euro a connu un second souffle après des dépêches annonçant que la BCE envisage de relancer sa vague de financements à (plus) long terme bon marché (les "TLTRO", pour utiliser le jargon du secteur). Une belle illustration de la divergence économique et monétaire qui sépare les deux côtés de l'océan Atlantique… Pour l'heure, l'EUR/USD fait du surplace dans la partie inférieure de la fourchette de 1,13/16. Les élections intermédiaires américaines n'y sont sans doute pas étrangères. Elles ont lieu demain et retiennent les investisseurs de tout positionnement directionnel. Les sondages laissent présager une victoire des Démocrates à la Chambre, mais mieux vaut ne pas prendre ce pronostic pour argent comptant. À l'instar du marché, nous préférons nous aussi attendre les résultats.