La politique monétaire de la BCE est contreproductive pour la croissance

Opinion économique

Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), le nombre d'entreprises 'zombies' dans les principaux pays industrialisés n'a cessé d'augmenter depuis les années 1980. Dans des conditions de marché normales, celles-ci disparaîtraient au profit d'entreprises fondamentalement plus productives et rentables. La santé financière du secteur bancaire et la politique de faiblesse des taux des banques centrales sont pointées du doigt comme les deux causes importantes de la survie des entreprises 'zombies'. Celles-ci privent en effet des entreprises plus productives de crédits à l'investissement et pèsent ainsi sur la croissance de la productivité et de l'emploi, et donc aussi sur la croissance potentielle. L'amorce rapide de la normalisation des taux par la BCE renforcerait par conséquent le potentiel de croissance de l'économie de la zone euro.

De plus en plus d'entreprises 'zombies'

Des recherches récentes de la Banque des règlements internationaux (BRI) montrent que les entreprises dites 'zombies' ne cessent de se multiplier dans les 14 principaux pays industrialisés depuis la fin des années 1980. Les 'zombies' sont des entreprises fondamentalement insolvables, incapables de financer le service de leur dette avec leurs bénéfices opérationnels pendant une période prolongée. Dans des conditions de marché normales, elles disparaîtraient et laisseraient la place à des entreprises structurellement rentables et plus durables.

La BCE, l'OCDE et la BRI, entre autres, ont récemment mené des recherches sur ce sujet. Il en ressort que la mauvaise santé financière du secteur bancaire, mesurée, par exemple, par le ratio price-to-book, constitue une explication potentielle importante de la survie de ces entreprises 'zombies' (voir graphique 1). 

Graphique 1 - La santé financière du secteur bancaire est un déterminant important de la part d'entreprises 'zombies' (moyenne des 14 principaux pays industrialisés, en %)

Source : KBC Economics, d'après la Banque des règlements internationaux (BRI)

Les banques financièrement faibles tendent à ne pas reconnaître les crédits problématiques en tant que tels et à ne pas les provisionner, voire même à les amortir si leur capitalisation s'en trouve compromise. Les crédits problématiques sont souvent refinancés, apparemment sans impact négatif sur le bilan de la banque.

Dans le cadre de la solution à ce problème spécifique, un récent rapport de la BCE souligne l'importance d'une législation efficace sur les faillites, facilitant la restructuration des entreprises. Les entreprises structurellement non viables pourraient ainsi quitter plus facilement le marché au profit d'entreprises plus productives.

La politique monétaire fait partie du problème

La politique monétaire ultra-souple de la BCE encourage en outre l'octroi de crédits aux entreprises 'zombies', qui ne pourraient être financées à un niveau de taux plus 'normal' (voir graphique 2).
 

Graphique 2 - La faiblesse des taux favorise la part d'entreprises 'zombies' (moyenne des 14 principaux pays industrialisés, en %)

Source : KBC Economics, d'après la Banque des règlements internationaux (BRI)

Ces crédits 'zombies' supplantent en partie le financement des investissements d'entreprises plus productives, ce qui perturbe l'allocation efficace du capital. La BRI avertit par conséquent que cette situation freine la croissance macroéconomique des investissements et de la productivité ainsi que l'emploi. Les recherches de l'OCDE corroborent cette conclusion. La BRI indique de surcroît que, depuis la Grande Crise financière, la politique monétaire a pour le moins contribué au déclin structurel de la croissance potentielle de la plupart des pays de l'OCDE.
 

Le secteur public abrite aussi des 'zombies'

Les effets de distorsion du marché de la politique d'extrême faiblesse des taux se manifestent non seulement dans le secteur privé, mais aussi dans les différentiels de taux entre les emprunts d'État de la zone euro (voir graphique 3).

Graphique 3 - Finances publiques de l'UEM soutenues artificiellement par la BCE (différentiel de taux à 10 ans par rapport au Bund allemand, en points de pourcentage)

Source: KBC Economics, sur la base de Macrobond

À l'instar du taux des crédits des entreprises 'zombies', les différentiels de rendement des obligations d'État de la zone euro ne reflètent plus la réalité économique sous-jacente, y compris le risque de crédit réel. L'exemple le plus extrême en est le taux grec à 10 ans, qui n'offre actuellement qu'une prime de risque de 3,4 points de pourcentage par rapport aux Bunds allemands. Le fait que la dette publique brute de la Grèce s'élevait à 183% du PIB en 2018, ce qui n'était soutenable que parce qu'elle était largement détenue par d'autres gouvernements de la zone euro, témoigne de sa faiblesse artificielle. Mais dans d'autres cas, moins extrêmes, la politique de la BCE a également des effets secondaires indésirables. En maintenant artificiellement le bas niveau du coût du financement de la dette publique, elle relâche en effet la pression sur les gouvernements concernés pour qu'ils assainissent leurs budgets.

Des taux plus normaux sont bons pour la croissance

Par sa politique monétaire non conventionnelle, la BCE a sans aucun doute préservé l'économie européenne d'une récession plus profonde au lendemain de la crise financière. Depuis, les effets secondaires indésirables l'emportent toutefois lentement mais sûrement sur les avantages. Afin de stimuler les investissements, l'emploi et, en fin de compte, l'inflation, la BCE devrait donc entamer au plus vite la normalisation de son taux directeur. Une politique inchangée ne contribue guère à la réalisation de l'objectif d'inflation (voir Opinion économique de KBC du 30 avril 2019), mais elle compromet aussi la croissance potentielle de l'économie européenne.

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