Écart salarial entre les sexes: un phénomène complexe qui a la vie dure

Opinion économique

La différence entre les salaires horaires bruts moyens des femmes et des hommes, ou 'écart salarial entre les sexes', est un phénomène tenace qui refait surface plusieurs fois par an. Les causes sont multiples et il est souvent difficile de faire la distinction entre les choix intrinsèquement personnels et les normes et opinions dictées par la société. La complexité de la question ne permet pas d'avancer la solution miracle, mais si aucun effort n'est fait, l'écart de rémunération entre les sexes a peu de chances de disparaître.  
 

Un phénomène tenace

À l'approche de la Journée internationale de la femme (8 mars), l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes est toujours un sujet brûlant. L'écart de rémunération entre les sexes est défini comme la différence entre les salaires horaires bruts moyens des femmes et des hommes, généralement exprimée en pourcentage des salaires moyens des hommes. Le phénomène fait chaque année couler beaucoup d'encre car il est tenace et n'a que peu évolué au fil des ans. Selon les chiffres d'Eurostat, l'écart de rémunération moyen entre les hommes et les femmes dans l'Union européenne était de 16,1% en 2017: en moyenne, par rapport aux hommes, les femmes n'ont donc gagné que 84 cents pour chaque euro gagné par un homme ou elles ont travaillé gratuitement pendant environ 2 mois. En 2010, l'écart de rémunération était de 17,1%. La baisse enregistrée ces dix dernières années est donc restée plutôt limitée.

Au sein de l'UE, les différences entre pays sont considérables: l'Estonie, la Grèce et la République tchèque occupent le haut du classement, alors que la Roumanie, l'Italie et le Luxembourg présentent les écarts salariaux les plus faibles entre les sexes. Il est important de noter que l'indicateur présenté ne reflète pas parfaitement l'inégalité totale entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Dans les pays où la participation des femmes au marché du travail est faible, l'écart de rémunération entre les sexes est aussi généralement plus limité. C'est le cas de la Roumanie et de l'Italie, par exemple. Le graphique montre également que dans la plupart des pays de l'UE, l'écart de rémunération entre les sexes s'est réduit au cours de la dernière décennie, malgré de fortes différences entre pays.

Des causes multiples

Les différentes causes de l'écart de rémunération entre les sexes font l'objet d'une littérature abondante. Un facteur important est la surreprésentation des femmes dans les secteurs où les salaires sont relativement bas, comme les secteurs des soins et de l'éducation. Les préférences des femmes pour les secteurs 'moins durs' pourraient jouer un rôle à cet égard, mais des études montrent que certaines orientations professionnelles sont aussi largement socialement construites. Des initiatives visant à briser les stéréotypes et à encourager les filles à choisir une filière STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) ou ICT (technologies de l'information et de la communication) tentent d'y remédier.

En outre, bien que le niveau d'éducation moyen des femmes soit plus élevé que celui des hommes dans de nombreux pays, les femmes gagnent moins, quel que soit le secteur dans lequel elles travaillent. Ici aussi, les tendances sociétales en sont probablement l'explication. Certaines études révèlent même que des normes de genre inégales, profondément enracinées, incitent les hommes et les femmes à considérer que le travail effectué par les hommes a plus de valeur.

Les femmes sont en outre fortement sous-représentées dans les postes de direction et donc, dans les emplois bien rémunérés. En Belgique, par exemple, les femmes représentent 50% du dernier pour cent des salariés, mais seulement 26% du premier pour cent. Les possibilités de gravir les échelons hiérarchiques au sein des entreprises varient d'un secteur à l'autre, mais les femmes progressent généralement moins vers un poste de direction. Au sein de l'UE, les cadres sont ainsi deux fois plus souvent des hommes. La discrimination, mais aussi les choix personnels, qui sont peut-être aussi socialement construits, fournissent une partie de l'explication.

La parentalité et la composition du ménage jouent en outre un rôle dans l'écart de rémunération entre les sexes. Des recherches empiriques montrent en effet que la parentalité entraîne en moyenne une baisse de salaire pour les femmes - la punition de la maternité -, tandis que pour les hommes, elle génère une augmentation de salaire (limitée) - le bonus de la paternité. En Europe de l'Est, l'écart de rémunération entre les mères et les pères est largement responsable de l'écart de rémunération entre les sexes1. Mais ces tendances se rencontrent également en Europe du Nord et en Europe centrale. Elles sont liées au fait que les femmes assument généralement davantage de tâches non rémunérées (tâches ménagères, soins aux enfants et aux autres membres de la famille,...) et, par conséquent, travaillent plus souvent à temps partiel. De même, les femmes interrompent plus souvent leur carrière que les hommes pour prendre par exemple un congé parental ou un congé d'assistance.

En ira-t-il un jour autrement?

Outre les éléments cités ci-dessus, il existe sans aucun doute d'autres facteurs influençant l'écart de rémunération entre les sexes. Quelle qu'en soit la cause exacte, les politiques peuvent avoir un impact significatif sur sa réduction. Les dispositions légales interdisant la discrimination sexuelle sur le lieu de travail et leur application constituent une première étape. Un accès suffisant aux services de garde d'enfants, des horaires de travail flexibles et une répartition plus égale du congé parental entre les deux parents contribuent également à réduire l'écart de rémunération entre les sexes. Les politiques peuvent également contribuer à resserrer l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes en ajustant les normes sociales, les stéréotypes sexistes et les perceptions sociales des rôles des hommes et des femmes, qui sont souvent profondément enracinés. Les choix personnels qui sont (in)consciemment socialement construits pourraient ainsi également évoluer vers une plus grande égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail.

Rien ne dit cependant si l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes disparaîtra un jour complètement, voire s'inversera. Si la discrimination fondée sur le sexe doit incontestablement être combattue, les hommes et les femmes n'en restent pas moins différents, ne serait-ce que sur le plan biologique. Si ces spécificités inhérentes sont à l'origine de préférences individuelles qui conduisent à des choix d'études et de carrière différents, l'élimination complète de l'écart de rémunération entre les sexes n'est peut-être pas réalisable, ni même souhaitable. La manière dont l'écart de rémunération entre les sexes est mesuré est en outre un aspect important du débat. Une approche macroéconomique telle que celle décrite ci-dessus est toujours faussée car les explications alternatives sont trop peu contrôlables. Analyser les écarts de rémunération pour des fonctions précises dans des secteurs spécifiques - une approche au niveau micro -, permet de réfuter des éléments tels que 'moins d'ambition' ou 'd'autres objectifs' chez les femmes.

L'écart de rémunération entre les sexes reste en tout cas un phénomène complexe, qui ne disparaîtra probablement pas de lui-même.

 

1 Source: E. Cukrowska-Torzewska and A. Lovasz (2019), The role of parenthood in shaping the gender wage gap – A comparative analysis of 26 European countries

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